Vacance de la présidence de l’Assemblée nationale : L’avis de la honte

11 Juin 2012 - 07:23
11 Juin 2012 - 07:23
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A la demande de certains membres du bureau de l’assemblée nationale, la cour constitutionnelle a rendu en catimini en fin d’après-midi du vendredi 8 juin un avis sur la vacance de la présidence de l’Assemblée Nationale et l’élection d’un nouveau président.   [caption id="attachment_70173" align="alignleft" width="310" caption="L'honorable Younoussi Touré"][/caption] Cet avis n° 2012-004/ccm du 8 juin 2012 que l’on serait tenté d’appeler d’avis de la honte a été porté au domicile de son commanditaire, le premier vice-président de l’Assemblée Nationale et néanmoins président du parti URD qui comptait en faire la surprise ce lundi matin devant le bureau de l’Assemblée en ouvrant devant tout le monde dit-il le fameux pli. En fait de surprise, raté, puisque cet avis que nous publions en fac-simile a circulé dans Bamako des la nuit du vendredi. En substance, cet avis est en contradiction flagrante avec l’arrêt n 2012-001/cc/vacance du 10 avril 2012   de la même cour qui avait rappelé les dispositions de l’article 34 de la constitution selon lesquelles “les fonctions de président de la République sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction politique, de tout autre mandat électif…” Dans son avis commandé à son président Mr Amadi Tamba Camara dont personne n’ignore les accointances avérées avec l’URD, la cour se contredit en affirmant que “l’incompatibilité fonctionnelle en question ne constitue ni un cas d’incompatibilité prévue par la loi organique sur l’Assemblée Nationale ni une cause de vacance ou d’empêchement définitif au sens de l’article 17 de son règlement intérieur”, et la même cour de préciser, le ridicule ne tuant point, que son “Arrêt n 2012-001/cc/vacance précité qui a constaté la vacance de la présidence de la République ne peut servir de fondement juridique pour constater la vacance de la présidence de l’Assemblée Nationale”. Quelle misérable gymnastique intellectuelle ! De toute évidence, l’arrêt précité ne peut bien entendu servir de fondement juridique pour constater la vacance de la présidence de l’Assemblée Nationale. Ce fondement résulte tout simplement et bien évidemment des dispositions de l’article 34 de la constitution. Contrairement à l’affirmation de la cour, cet article ne fait aucune référence aux fonctions de président de l’Assemblée Nationale, et ne prévoit donc aucune incompatibilité fonctionnelle entre celles-ci et les fonctions de présidence de la république; l’article 34 prévoit plutôt une incompatibilité entre l’exercice des fonctions de président de la république et de tout autre mandat électif. Cette incompatibilité parlementaire constitue un cas de démission d’office du mandat de député conformément à l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale qui prévoit deux cas de démissions du mandat de députe: les démissions volontaires et les démissions d’office édictées par les lois sur les incompatibilités parlementaires. La démission d’office du mandat de tout élu (députes, maires, conseillers nationaux…) appelé à exercer les fonctions de président de la République résulte de l’incompatibilité édictée par la loi fondamentale. Et c’est ce qui constitue le fondement juridique de la vacance du poste de président de l’Assemblée Nationale occupé par un député demis d’office de son mandat même de députe du fait de l’exercice des fonctions de président de la république. Cette analyse juridique est à la portée d’un étudiant de première année de droit ! Comment nos sages de la plus haute juridiction du pays ont pu se fourvoyer aussi lamentablement ? Incompétence, servilité, cupidité, ou calcul politique, allez savoir! Toujours est-il que la Cour par cet avis a aggravé la honte et le discrédit dont elle est déjà couverte. Est-ce sans raison que notre auguste cour n’ait pas été consultée ni par la Cédéao ni par le Cnrdre sur la moindre question de constitutionalité tout au long du processus de retour à l’ordre constitutionnel ni au cours de la transition. Elle n’a été consulte comme cela aurait du l’être ni sur l’Accord-cadre, ni sur la durée de l’intérim, ou celle de la transition, ni sur les pleins pouvoirs du premier ministre encore moins sur la prorogation du mandat des députes etc...C’est la seule fois où elle a été consultée ou plutôt mise en mission par certains membres du bureau de l’Assemblée Nationale dans un cas ou elle n’aurait pas du donner d’avis, ce qui lui aurait permis certainement de retrouver quelque crédit. Imaginons que la décision du bureau de constater la vacance du poste de président de l’Assemblée Nationale, ou celle de ne pas procéder éventuellement à l’élection d’un nouveau président qui serait prise par le bureau de l’Assemblée Nationale, fassent l’objet d’une contestation. Comment la Cour Constitutionnelle qui est compétente pour connaitre de ce contentieux éventuel pourrait statuer après avoir opiné? C’est la raison simple et évidente pour laquelle une juridiction de jugement ne doit pas émettre d’avis sur une question susceptible de lui être soumise. Contrairement au Conseil Constitutionnel français qui, en plus de ses fonctions juridictionnelles peut donner des avis en matière de constitutionalité comme son nom l’indique (Conseil Constitutionnel), notre organe de contrôle de constitutionalité est une cour, donc principalement une juridiction de jugement. A cet égard, ses décisions insusceptibles de recours s’imposent ergaomnes c’est à dire à l’égard de tous contrairement à ses avis qui n’ont aucune force obligatoire. D’ailleurs la Cour elle même reconnait dans son avis (dernier paragraphe page 5) qu’il ne lui appartient pas de “substituer son jugement à celui du bureau”. Pourquoi alors avoir pris ce risque de se discréditer inutilement lorsqu’elle sait elle même que son avis reste sans influence sur la décision du bureau? Ou ses commanditaires pensaient-ils que cette évidence élémentaire n’aurait pas été perçue par les autres membres du bureau ayant pris la décision de constater la vacance du poste de président de l’Assemblée nationale et qui aurait pu ainsi se laisser abuser ? La ficelle est trop grosse et aussi honteuse qu’inutile, dans la mesure où quelque soit la décision du bureau quant à l’élection immédiate d’un nouveau président, il ne pourrait en être autrement à partir du 10 aout prochain, date à laquelle prennent fin et le mandat et la fonction du premier vice-président (élu pour un an) à qui son ami et camarade de parti président de la Cour Constitutionnelle a conféré abusivement dans l’avis de la cour le titre de président par intérim de l’Assemblée Nationale. De même, incompatibilité ou pas, les fonctions de président de l’Assemblée nationale, élu pour un mandat de 5 ans, cessent pareillement à la même date. Nos honorables députes se laisseront-ils abuser et laisser leur auguste assemblée sans tète a partir du 9 aout prochain. Wait and see ! Birama FALL

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