Après une léthargie congénitale propre à l'ensemble de l'équipe gouvernementale, le ministre de la défense et celui de la communication ont choisi de sortir tour à tour de leur gong. L'un au détour de la brûlante question des caches d'armes découvertes par les combattants d'Ançar Dine et du MNLA, l'autre au sujet du comportement déplorable des médias maliens dans la gestion de la crise. Le hic c'est que tous deux versent dans une sorte de diversion de l'opinion, en insistant sur l'accessoire, faute de réelle emprise sur l'essentiel, à cause des interférences du CNRDRE dans leurs prérogatives respectives.
[caption id="attachment_66156" align="alignleft" width="300" caption="Hamadoun Touré, ministre de la Communication, de la Poste et des Nouvelles technologies (photo l'Essor)"]

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Le Ministre en charge de la défense et des anciens combattants - depuis qu'il est installé dans ses nouvelles fonctions et pendant que les envahisseurs confortent leur triomphe vassalisant sur les territoires conquis - ne s'est publiquement intéressé à la question primordiale du septentrion qu'en début de semaine. Le Colonel Tiéfing Konaté est en effet sorti de sa réserve en se prononçant pour la première fois sur la guerre, à l'occasion des révélations faites par les combattants du MNLA et d'Ançar Dine. La semaine dernière, en effet, les deux mouvements armés faisaient état de découverte d'une importante cache d'armes enfouie dans les sables du Sahara, un arsenal dont ne disposeraient que le Burkina et le Mali réunis selon les évaluations faites par le même camp adverse. Faux, ont aussitôt rétorqué les services du ministre de la défense, à travers un communiqué passé dans le journal télévisé et dont le contenu ne dénote en substance que la grande gêne qu'éprouve l'armée malienne devant chaque allusion à sa débâcle au front septentrional. Et Dieu sait que Forces Armées et de Sécurité ne manquent pas de terrain où laver l'affront : l'ennemi triomphe et vassalise les pauvres populations sur deux tiers du territoire national, en imposant la religion là où la liberté du culte est consacrée par la constitution. Les concitoyens, pour ceux qui ont eu le courage de rester sur la même partie du territoire, n'accèdent à la nourriture que grâce aux couloirs humanitaires et au gré de la mansuétude de l'ennemi. Des parents sont séparés de leurs enfants, des époux de leurs épouses. Des avions, à la différence de l'Aéroport de Bamako-Sénou, atterrissent et décollent sans autorisation de l'armée. Ce n'est pas tout. Une poignée de combattants armés font impunément leur loi à Douentza, à quelques encablures de la base militaire de Sévaré qui regorge d'hommes armés entretenus au frais du contribuable et du budget national. Face à toutes ces équations, les ressortissants du Nord et les populations massivement déplacées dans les villes du Sud implorent constamment une réponse qui tarde à venir du côté des autorités militaires compétentes. Ni elles ne se dépêchent pour envisager des mesures de reconquête du territoire occupé, ni elles ne se résolvent à solliciter le concours des Force en Attente de la CEDEAO. Pour l'une comme pour l'autre alternative, qui englobent par ailleurs l'essentiel de sa mission, il n'est point besoin d'exceller dans les arts divinatoires pour comprendre que le département en charge des questions de défense éprouve grand mal à se défaire du bon vouloir et des caprices du CNRDRE. Ce dernier demeure pour l'heure assujetti à cette credo des épouses de frères d'arme à Kati : ne jamais laisser les époux aller mourir au front avant de réunir les conditions de préserver l'ensemble des vies. C'est une position tranchée contre laquelle le pouvoir d'ATT avait buté et qui risque de conditionner pendant longtemps les approches de redéploiement d'une armée, où la discipline et la subordination existent plus dans la gâchette que dans des rapports hiérarchiques.
Le mécanisme du recours aux Forces en Attente de la CEDEAO rencontre les mêmes obstacles pernicieux de la part de la junte, avec des motivations différentes. Sur la question, en effet, la soldatesque de Kati ne veut rien entendre, à cause notamment des relations trop étroites qu'elle entretient avec les femmes de Kati.
Une autre sortie publique, tout aussi malencontreuse et incohérente, aura été celle du nouveau ministre de la Communication. Hammadoun Touré, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a cru opportun de remettre les pendules à l'heure par rapport au comportement peu enviable de la presse malienne en cette période de crise. Il s'agit d'un réflexe logique que la situation inspire à tout journaliste, pour peu qu'il soit le produit d'une école de journalisme comme lui. Seulement voilà, en tentant de faire la leçon aux confrères par sa déclaration, le Ministre Touré ne se rend pas compte que son indignation ne lui permet de verser dans les menaces et mises en garde contre une presse pluraliste malienne que les acquis démocratiques ont plutôt habituée au dialogue et à la transaction pédagogique. Aussi, comble de partialité et d'approche unilatérale sur la question de la liberté de la presse et ses limites, le Ministre, qui empiète sur le terrain de la régulation et de l'autorégulation des médias, n'a daigné piper mot sur la bavure ayant consisté, quelques jours auparavant, à interpeller des journalistes par des voies extrajudiciaires. Une pratique d'autant plus abominable que l'observation des limites de la liberté de la presse suppose le respect de la profession dans certaines mesures.
A.Keïta