Accord-cadre Cédéao/Cnrdre : Marché de dupes ou tentative de légalisation d'un putsch ?

12 Avr 2012 - 12:30
12 Avr 2012 - 12:30
 27
Accueilli avec grande satisfaction par les Maliens ainsi que par la communauté internationale, le déclenchement du processus du retour à l'ordre constitutionnel est finalement effectif au bout de dures tractations entre la CEDEAO et les tombeurs d'ATT. Les protagonistes en ont toutefois des lectures si divergentes, que ce qui est considéré comme un dénouement pourrait n'être qu'un acquis de courte durée, au grand dam peut-être de priorités que relèguent au second l'attachement de la junte au pouvoir conquis par les armes. [caption id="attachment_58117" align="alignleft" width="610" caption="Le leader de la junte malienne, le capitaine Amadou Sanogo, et le ministre des Affaires étrangères du Burkina-Faso, Djibrill Bassole, le 1er avril 2012, près de Bamako. AFP"][/caption] Le processus de transmission du pouvoir aux civils est en marche et rien ne semble l'arrêter, selon toute vraisemblance. Après la démission officielle du président Amadou Toumani Touré de ses fonctions, dimanche dernier, la Cour constitutionnelle, dans le strict respect des dispositions légales applicables en la matière, a procédé à la constatation, avant-hier, de la vacance du pouvoir présidentiel en y consacrant un arrêt historique au Mali. C'est en vertu dudit arrêt, notamment, que l'intérim sera assuré, à compter de ce jour Jeudi 12 Avril, par le président de l'Assemblée Nationale, le Pr. Dioncounda Traoré. Son intronisation comme président de la République, tient certes d'une conformité aux règles constitutionnelles, mais elle intervient également en application de l'accord-cadre passé entre la CEDEAO  et le Comité National de Redressement de la Démocratie et de Restauration de l'État, dans la foulée des sanctions infligées au Mali après le coup de force du 22 Mars 2012 contre l'ordre constitutionnel et institutionnel du Mali. Conclu en fin de semaine dernière, au bout d'un suspense à peine tenable, ledit accord s'articule autour d'une dizaine d'articles fixant les diverses étapes de réhabilitation de l'ordre interrompu par l'interférence de la junte, les modalités d'organisation d'une transition vers un régime démocratique régulièrement instauré, etc. Cet accord, qui a consacré la levée immédiate des sanctions de la CEDEAO, est à l'origine d'interprétations très controversées, depuis sa publication par la CNRDRE, conformément à ses engagements solennels du 1er Avril dernier. Il ne serait peut-être même pas exagéré de parler de marché de dupes, tant les parties prenantes paraissent avoir des visées et des compréhensions divergentes sur la question fondamentale du retour à l'ordre constitutionnel. Quid par exemple de la durée de l'intérim ? Sur la question, la junte militaire fait montre d'une intransigeante pour le moins mesurée, laquelle consiste à n'en retenir que le délai contenu dans le texte fondamental en vigueur. A son entendement, selon toute évidence, la période intérimaire ne saurait excéder la quarantaine de jours au bout desquels les cartes doivent être à nouveau rebattues par les protagonistes de l'accord-cadre, en l'occurrence la CEDEAO et le CNRDRE. C'est en substance ce qu'a indiqué son premier responsable, Amadou H. Sanogo, lors de sa conférence de presse au cours de laquelle il a également mis en garde contre toute velléité de transgression ou d'atteinte à l'accord-cadre. À y regarder de près, une telle position est sous-tendue en filigrane dans le document dont les confusions, non-dits ou sous-entendus ouvrent la brèche à l'interprétation simpliste selon laquelle les concessions obtenues avec le concours de la CEDEAO se résument à une instrumentalisation ni plus ni moins des institutions de la République aux fins d'une légalisation de l'organe  enfanté par le coup de force du 22 Mars : la Cour Constitutionnelle se chargeant de constater la vacance de pouvoir, le président de l'Assemblée Nationale d'assurer l'intérim conformément à la constitution du 22 Février 1991, l'Assemblée  Nationale de voter une loi d'amnistie et de protection des auteurs du putsch contre d'éventuels ennuis judiciaires. En faveur de la présomption d'une manœuvre de légalisation du coup d'État milite, par ailleurs, cette intention manifeste chez la junte de continuer à régenter la transition même après l'installation des organes devant la conduire. C'est de cela que procède sans doute ses réclamations relatives à l'attribution d'une partition au CNRDRE dans le mécanisme de la transition. Mais le hic, c'est que la CEDEAO ainsi que les tous les autres tenants de la légalité ont sans doute une lecture beaucoup moins étriquée du rétablissement de l'ordre constitutionnel dont l'étape la plus déterminante commence aujourd'hui avec l'installation du président de l'Assemblée Nationale dans ses nouvelles fonctions de président de la République. Et, pour autant qu'on sache, l'ordre constitutionnel ne fait aucune place au CNRDRE dans le mécanisme institutionnel du Mali. Comme il est loisible de le constater, l'accord-cadre porte en lui les germes de divergences dont les premières manifestations se feront probablement jour avec la mise en œuvre de la panoplie de mesures de nominations opérées par la junte sur la base d'un acte fondamental inconstitutionnel. Cette bataille pour le pouvoir fait malheureusement rage pendant que les priorités du pays n'ont de cesse de s'amplifier depuis le coup de force du 22 Mars : destruction du système défensif de l'armée, atteinte à l'intégrité territoriale, grave crise humanitaire consécutive au déplacement massif des populations et à la partition du pays entre nord et sud. A. Keïta

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0