Constitution, salafisme et avenir du Mali

29 Jan 2013 - 12:34
29 Jan 2013 - 17:25
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Un vieux sage qui fut premier constitutionnaliste de France et initiateur de l’Abolition de la peine de mort, m’a dit hier : «Une Constitution qui ne prend pas en compte les aspirations du peuple est vouée à l’échec ! Pour l’instant c’est la guerre, mais il y aura la paix et vous ne pourrez faire l’économie d’une Assemblée Constituante. Sans cela ce serait repartir vers les mêmes erreurs. Les lois et principes, fondés sur l’équité et la justice, qui doivent gouverner un pays sont globalement connus. Les systèmes de gouvernance et les formes que peuvent prendre l’Etat le sont également. Il n’y a guère besoin de se pencher sur cela. Par contre, si vous n’anticipez pas les réformes nécessaires, les institutions actuelles n’auront de cesse que de se perpétuer et avec elles perpétueront vos problèmes.» [caption id="attachment_99166" align="alignleft" width="310"] Islamistes en déroutei[/caption] Depuis le déclenchement de la rébellion du 17 janvier, suivi du coup d’Etat perpétré par la junte militaire, la République du Mali a sombré dans la plus grave crise de son histoire, avec comme corollaire, la paralysie de l’économie, et le fonctionnement des institutions et une possible fracture de la cohésion en les communautés qui composent le Mali. Les efforts déployés pour favoriser une négociation entre les différentes parties n’ont pas permis la stabilisation du pays. Et, depuis quelques jours, l’armée malienne a lancé une offensive contre les islamistes. La France comme d’autres puissances étrangères participent activement à la libération du Mali. Cette guerre déclenchée occupe tous les esprits, cependant je suis convaincu qu’il faut songer à la prochaine étape, celle de reconstruire le pays. À l’heure où les armes tonnent et que chacun suit au jour le jour l’évolution des combats, j’ai estimé utile de prendre un peu de distance pour envisager l'avenir du Mali et obtenir des avis éclairés d'acteurs désintéressés. Ainsi, il est certain qu'il faut d’ores et déjà penser à la forme et à la nature de l'État malien, à nos institutions et à notre Constitution qui ne répond plus aux besoins du peuple malien et de l’évolution de notre histoire. Pour l’heure, il faut éviter les velléités ethnocentriques, condamner avec fermeté toute sorte d’amalgame et toute forme de violence ou d’exaction. Il faut également dissocier le mnla des autres Touaregs, car le mnla ne représente ni les Igmads, ni les Ignanes, ni les Kel Ansar et encore moins la totalité des Ifoghas. Par contre, au vu de leurs prises de positions et de leur complicité avec les organisations terroristes, nous pouvons les considérer comme étant un mouvement terroriste. Avant que d’aucun se réveille, ançardine aussi était considérée comme un interlocuteur crédible. Or, n’en doutez pas, le mnla servira de terreau à la propagation d’un salafisme rétrograde qui n’aura de cesse que de semer la terreur et le désordre du Sahel à la Méditerranée... Et lorsqu’une arrière cour du terrorisme international sera installée à 3 heures de Paris, il sera trop tard pour se réveiller ! Les enjeux du grand Sahel : la carte et le sabre Le Sahel recèle de mystères échappant au décryptage des spécialistes, divisés sur la lecture de la signification de la prise d’otages sur le site gazier algérien. Double surprise : la première, le coup osé chez le voisin algérien dont on avait jusque-là critiqué le pas balbutiant, le geste lent et prudent jusqu’à frôler l’accusation d’être de collusion avec la galaxie djihadiste narcotrafiquante ; la deuxième, la surprise de la brutalité de la riposte du pays de Boumediene que certains s’étaient empressés de désigner comme étant lui-même l’instigateur de cette prise d’otages sur son propre sol afin d’entraîner d’autres puissances, surtout l’Oncle Sam, dans le chaudron malien. Puissances venant nuancer et relativiser le poids de l’Hexagone à ses portes. Ces surprises viennent s’ajouter aux rumeurs non vérifiées d’une brouille en Alger et Iyad Ag Ghali suite à l’attaque-boomerang de Konna mettant fin à la diplomatie de la solution négociée. Là encore, des zones d’ombre existent quand l’on sait que les services secrets algériens n’ignoraient rien des préparatifs du chef d’Ançardine qui s’est, au préalable, ravitaillé en carburant et autres provisions en Algérie avant d’enclencher son coup de joueur de poker. La proximité d’Iyad avec Alger est un secret de polichinelle et il serait étonnant que l’homme en bleu mué en néo-fanatique prenne un tel risque sans toucher un mot pour sonder le bienveillant protecteur. Le Sahelistan devient non une fiction encore moins une vue de l’esprit, l’arc de crise s’étirant, l’espace crisogène gagnant en importance, la menace se pluralisant autant que se dilatant pour sévir au cœur du symbole gazier. La carte brouillée ici, c’est le sabre de Dieu qui se confond aux trafics divers sur fond d’enjeux géostratégiques. La philanthropie française à laquelle personne n’a jamais crue butte contre la face coriace des mémoires rafraîchies, des esprits avisés, des prospections minières du septentrion malien dont il ne fait plus de doute qu’il regorge de trésors potentiels. La géo-économie couvée par la géostratégie ne s’encombre point de frontières, fussent-elles officielles. Et Areva au Niger voisin est bien concerné par la contagion des menaces. La Chine devient économiquement agressive. L’appétit féroce du pays du Milieu pour le premier des continents, l’intérêt de l’Oncle Sam, bien que non encore boulimique, sonnent comme des alarmes pour les gardiens du pré carré français, désireux de préserver une part significative de l’héritage du grand De Gaulle. La lecture de la carte se complique pour un Mali empêtré dans ses divisions politiciennes, dans sa faiblesse militaire, sa faillite prospective et sa cécité stratégique. L’ancien colonisateur, jamais désintéressé est accueilli, paradoxe de l’Histoire «postcoloniale», en sauveur ultime pour éviter que ce qui reste d’Etat malien aille siéger en Guinée ou au Sénégal, déguerpi face à la déferlante belligène de la nébuleuse septentrionale. Le Mali a choisi la conjoncture tant presse son présent, tant urge l’état du malade, la perspective attendra. Sauver ce qui reste d’essentiel, en réalité ce qui restait du Mali après les 2/3 sous la coupe des hordes hostiles. Le sauveur oubliera-t-il le soldat MNLA quand l’heure des comptes sonnera ? Peser autour de la table au moment du banquet, le Nord, si riche en minerais et si convoité. Le Mali choisira entre donner la part du lion au lion ou perdre une partie de sa souveraineté sur le Nord (autonomie). À ce jeu mortel, il est clair, que le loup MNLA pourra, réalisme oblige, céder de confortables tanières au lion sauveur pour espérer, stratégie d’échelle, échapper un peu davantage à l’emprise de l’Etat unitaire malien dont il veut s’émanciper. À l’heure où il fait si nuit, le Mali a sans doute besoin de lumières car le silence de la pensée est l’un des ennemis mortels des nations. Le réveil des intellectuels maliens augure-t-il d’un renouveau de la réflexion sur notre Etre collectif ? L’unanimisme est un ver qui corrode et finit par tuer les confortables citadelles. Yaya Traoré Politiste Consultant

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