Rébellion du Nord: Le Professeur Issa N’Diaye accuse le Burkina Faso, La Mauritanie et le Qatar !
L’émission ‘’le débat d’Afrique’’ du dimanche dernier portait sur le Mali. Comme invités sur le plateau : Ibrahima N’Diaye de l’Adema, Tiébilé Dramé du Parena, Oumar Mariko du Sadi et le Professeur Issa N’Diaye. Le débat s’est déroulé à la malienne, autrement dit plus d’accusations accusatrices de part et d’autre que de mea culpa et de perspectives certaines pour une sortie de crise. Qu’à cela ne tienne, une affirmation du Professeur Issa N’Diaye a capté notre attention et mérite une analyse plus ou moins circonstancielle.
Dans son mot de conclusion, le brillant universitaire a évoqué le soutien de la rébellion malienne par des pays d’où la complication de la donne. A la question de notre confrère Assane Diop de savoir ces pays qui soutiendraient la rébellion au Mali, selon lui, le Professeur Issa N’Diaye a répondu « Le Burkina Faso, La Mauritanie, la France et le Qatar… ». Ce genre d’accusation est monnaie courante au Mali étant donné que la crise actuelle a immergé dans un débat ou règnent malheureusement démagogie et médisance sur objectivité et citoyenneté. Encore que cette dernière accusation émane d’un intellectuel respecté, supposé mesurer les pour et contre de ses propos, et dont l’audience ne souffre d’aucune contestation. Ce qui donne une connotation plus étendue au propos et mérite, par voie de conséquence, une pertinente réflexion surtout en cette période très sensible. Ceci étant, trois aspects méritent d’être soulignés, situés dans leur contexte et développés par rapport aux réalités conjoncturelles auxquelles le Mali fait face.
Primo, le professeur Issa N’Diaye est un citoyen malien. Par conséquent ce statut lui garantit, dans les conditions prévues bien entendu par la loi, certaines prérogatives dont celles liées à la liberté d’expression. Accuser donc la Mauritanie, le Burkina Faso, la France et le Qatar de soutenir la rébellion au Mali, et de manière si exhaustive, est un droit qui lui revient. Toutefois la véracité de cette accusation ne mérite-t-elle pas, faute d’arguments et de preuves solides, d’être remise en cause ? Autrement dit, de quels éléments disposent le professeur Issa N’Diaye pour soutenir cette thèse ? Ses informations en la matière sont-elles réellement fondées ou motivées par une analyse limitée, plus ou moins abstraite, et dépourvue de toute objectivité ? La situation actuelle du pays a favorisé l’émergence de toute sorte de ragots, tout en ôtant au débat national toute sa quintessence. Les accusations non fondées et souvent saugrenues ont beaucoup contribué à détériorer le climat social et facilité une fuite en avant des maliens vis-à-vis de leurs responsabilités collectives et individuelles. De tels propos méritent donc une attention particulière, surtout lorsqu’ils émanent d’un éminent universitaire tel que le Professeur Issa N’Diaye.
Secondo, ne faudrait-il pas saluer le courage de l’homme face à cette déclaration ? La responsabilité des pays en question n’est pas à sa première remise en cause. Plusieurs voix se sont d’ores et déjà prononcées sur la responsabilité de la France dans la mise en place de la rébellion, notamment dans le soutien du MNLA. Des réactions du président Blaise Compaoré, sur le dossier du Nord, ont très souvent porté à confusion auprès des populations maliennes, créant du coup un sentiment de doute quant à la position du Burkina Faso dans cette affaire. Le soutien sans faille du Président du Faso apporté aux rebelles du MNLA après ‘’leur correction’’ par leurs partenaires islamistes et son attachement au dialogue en disent long sur cette question. Que dire du Qatar dont les actions en faveur des islamistes radicaux, dans tous les pays au monde, ne sont qu’un secret de polichinelle. Ou encore de la Mauritanie qui, au regard de sa divergence sur la question du sahel avec le pouvoir déchu, ne manquerait pas de raison pour en vouloir au Mali au point de formater et soutenir une rébellion armée pour ses propres intérêts. D’arguments pour remettre en cause l’implication de certains pays dans les problèmes actuels du mali, ils n’en manquent point. Mais en réalité, l’heure est-il à ce genre d’accusations ? Ou du moins, ces accusations ne peuvent-elles pas être désastreuses pour le Mali à l’heure où nous sommes ?
Tertio, eu égard au paradoxe que cette crise alimente, l’on peut prendre une distance relative vis-à-vis des propos du professeur Issa N’Diaye. Contre toute vraisemblance, ces quatre pays jouent actuellement un rôle très important dans la crise que connait notre pays sur le plan sous régional et à l’échelle internationale. Tous, sur le plan humanitaire, ont apporté et continuent d’apporter leurs aides aux maliens. Un nombre considérable de nos concitoyens a trouvé refuge au Burkina et en Mauritanie, depuis le déclenchement de la crise. Sur le plan politique, le Burkina joue un rôle primordial pour la stabilité au Sud et le retour effectif à l’ordre constitutionnel. L’option militaire envisagée par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest repose essentiellement sur les pays voisins du Mali, dont la Mauritanie et le Burkina Faso. La France demeure, à l’heure où nous sommes, un soutien non moins négligeable pour le Mali auprès du conseil de sécurité et de paix des nations unies. Le réçent périple de Laurent Fabius, auprès de plusieurs pays africains, et ses énormes plaidoyers en faveur du Mali illustrent à bien des égards cette nouvelle perception de la France contrairement à la présidence Sarkozy. En d’autres termes, ces accusations du Professeur N’Diaye peuvent être mal perçues par ces pays concernés et remettre en cause leurs efforts consentis en faveur de la crise que connait notre pays. De nombreuses conséquences peuvent en découler sur les plans diplomatique et moral (la dernière déclaration du président mauritanien en dit long à ce sujet). Ces accusations peuvent s’avérer être des insultes ou diffamations dans certaines circonstances pour ces pays. Elles pourraient, à la limite, constituer des atteintes graves à leur intégrité morale vis-à-vis du Mali.
C’est donc dire que nous sommes dans une phase très sensible qui nécessite à la fois la réserve et la vérité. Le peuple malien, plus que jamais, mérite de connaitre la verité sur ses problèmes. Les responsabilités des uns et des autres doivent être situées. Cette tache incombe à tous les fils de la nation. Ce devoir de restitution de la verité passe inéluctablement par des accusations. Sauf que celles-ci doivent être portées dans la réserve et en toute modestie, autrement dit vérifiées et vérifiables au risque de ne compromettre nos relations avec nos partenaires et nous induit nous-mêmes dans des erreurs qui peuvent être fatales et nous pousser à passer sous silence nos propres responsabilités, ce qui risquerait d’engendrer une hypocrisie apocalyptique.
FOUSSEYNI MAIGA
Quelle est votre réaction ?
Like
0
Je kiff pas
0
Je kiff
0
Drôle
0
Hmmm
0
Triste
0
Ouah
0