Battante et dynamique, Mme Sèye Mariam Traoré (elle est la femme du célèbre avocat Me Maguètte Sèye) est très connue à travers le monde pour avoir été gouverneur de Inner Whell, qui regroupe neuf pays. Journaliste à l'ORTM pendant 23 ans, elle est aujourd'hui dans la section enquête et débat au niveau de la boîte. Dans cet entretien exclusif qu'elle a bien voulu nous accorder chez elle, le mercredi dernier, Mme Sèye ambitionne un jour de se lancer dans la politique. Objectif : lutter contre la misère et l'injustice.
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Mme Sèye Mariam Traoré[/caption]
Bamako Hebdo : Est-ce que vous pouvez vous présenter à nos lecteurs ?
Mme Sèye Mariam Traoré : Moi c'est Mme Sèye Mariam Traoré. Je suis journaliste à l'ORTM. Mariée et mère de quatre enfants avec beaucoup d'activités extra-professionnelles, entre autres, les activités au sein d'une Association dénommé Inner Wheel International qui regroupe 9 pays de la sous région, dont j'ai eu l'honneur d'être gouverneur du District. J'aime bien voyager, et j'aime la lecture.
Peut-on avoir une idée sur votre parcours ?
J'ai fait la grève de 1979 avec Cabral. On ne me connait pas trop sous cet angle là, parce que je n'en parle pas beaucoup, mais on était quand même là. J'étais la Secrétaire Générale du Lycée Notre Dame. En fait j'ai commencé à Dakar, après le DEF. En 1979, c'était l'année du BAC, et il y a eu cette grève et toutes les écoles ont été fermées. Je suis retournée à Dakar où j'ai fait mon BAC, ensuite j'ai intégré l'Ecole Normale Supérieure de Dakar.
Après avoir fait le Deug, je me suis mariée. J'ai arrêté mes études et j'ai commencé à exercer à l'ORTM comme téléspeakerine. Après j'ai été animatrice de beaucoup d'émissions notamment sur la santé, l'éducation, et plein d'autres trucs.
Seulement il n'y a pas très longtemps je me suis dit qu'il fallait que je cherche le Master 1, que j'ai fait en journalisme et communication à l'ESTM ici à Bamako. Mais entre temps, j'ai fait beaucoup de formations en Europe et un peu partout. Cela fait quand même pratiquement une vingtaine d'années que je suis à l'ORTM. Donc c'est beaucoup d'expériences.
Coté extraprofessionnel j'ai fait beaucoup dans les associations depuis notre grande grève de 1979. Je suis vraiment impliquée et je pense que j'ai beaucoup de choses à faire. Je suis même en train d'envisager un troisième cycle en communication pour le plaisir.
Cela veut dire que vous voulez être ministre un jour ?
Je n'ai pas besoin de troisième cycle pour être ministre, dans l'état actuel, je peux l'être puisque je suis cadre A. En fait, le Master 2 ou le Doctorat, c'est simplement pour le plaisir. Bon, quant à être ministre, comme on le dit cela dépend du destin. On verra bien ce que la vie nous réserve, mais j'aimerai comme je l'ai toujours fait participer à certaines décisions qui concernent les personnes et les Etats.
En un moment donné vous étiez un peu effacée au niveau de l'ORTM, pourquoi ?
Parce qu'il y avait cette nouvelle génération qui était là. On s'était dit que nous allons laisser un peu la place, mais là, nous sommes revenus. Car la place est tellement grande que nous pouvons être à côté de cette nouvelle génération. Et je pense que pour les uns comme pour les autres, c'est tant mieux. Pour la jeune génération, cela peut lui apporter quelque chose, et même pour nous. Nous pouvons tirer de cette jeune génération quelque chose. En gros, c'est tant mieux.
Concrètement, qu'est ce que vous faites actuellement au niveau de l'ORTM ?
Je suis à la division information section
"Enquête et Débat". Donc depuis quelque temps, je suis beaucoup plus sur les débats, que j'anime à l'intérieur de cette section. Je vais peut être commencer les enquêtes aussi. Nous avons des projets justement pour ces enquêtes que nous allons mener à l'intérieur du pays comme à l'extérieur. J'ai un carnet d'adresse avec toutes ces années passées, qui est plutôt intéressant et qui pourrait m'ouvrir des portes pour faciliter les choses au niveau international.
Quelles sont vos ambitions aujourd'hui ?
J'avais un moment effleuré l'idée de faire de la politique, parce que lors de mon mandat à l'international Inner Wheel, j'ai côtoyé tellement de misères, d'injustices, que je me suis dit que j'avais ma partition à jouer. Alors je n'ai pas laissé cette idée, elle est en train de mûrir, on verra bien ce que cela va donner.
Mais cela passe par quoi ?
Certainement intégrer peut être des partis politiques ou en créer moi-même. Ce n'est pas tout à fait clair dans ma tête d'abord, mais j'avoue que c'est une petite fenêtre que j'ai ouverte, et à chaque fois je regarde à l'intérieur pour prendre quelque chose. Quand ce sera bien visible, en ce moment vous en serrez informé.
Pouvez-vous nous dire quelques actions menées par votre Association ?
Les grandes lignes sont l'humanitaire. Inner Wheel est la seule association au monde qui siège aux Nations Unies avec des voix électives. Cela est important à souligner. Il y a plein d'associations féminines dans le monde, mais nous sommes la seule qui détient deux sièges aux Nations Unies avec voix électives. C'est-à dire, quand il y a des élections à faire nos deux voix comptent. Je suis membre fondatrice de Inner Wheel du club Bamako-Koulouba à Bamako.
J'ai occupé les postes de secrétaire, trésorière, présidente d'un club, vice gouverneur d'un District. C'est pour vous dire que j'ai gravi tout cela dans ma vision justement de me battre contre l'injustice, de venir en aide à nos sœurs particulièrement mais aussi à tous ceux qui ont besoin d'être aidés. Je vous ai dit que j'ai fait la grève de 1979 avec Cabral, je ne me vante pas mais c'est l'occasion de le dire. J'étais parmi celles qui ont souffert au camp-para. Nous avons été rasés et bastonnés, et j'ai les traces toujours. Mais quand je le faisais, j'étais convaincue. J'avais cette conviction de jeunesse qui est restée de me battre pour un idéal. Donc Inner Wheel c'est ça les démunis, celles qui n'ont pas la voix assez hautes pour se faire entendre. Et nous, nous sommes là pour cela et nous faisons beaucoup de choses. Particulièrement nous nous occupons des femmes atteintes de la fistule. Dernièrement nous étions à Nioro, où nous avons amené des médicaments. Bref, nous allons partout où on nous demande de venir et de donner un coup de main. Aujourd'hui, notre grand créneau, c'est la lutte contre la fistule. Nous avons notre assemblée générale à Lomé du 26 février au 3 mars. Et à notre retour, nous allons organiser une grande cérémonie pour participer à l'effort de guerre.
Si on vous demande de faire le bilan en tant qu'ancienne gouverneur de cette association ?
Je dirai que j'ai fait beaucoup, et je suis très satisfaite. Pendant tout mon gouvernorat, j'avais mon bâton de pèlerin. J'ai beaucoup voyagé et j'ai fait connaitre l'association partout où je pouvais. J'avoue que je n'avais pratiquement plus de vie familiale, heureusement que j'ai un époux qui n'est pas très compliqué.
Vous aviez un festival qui a un moment donné a disparu
Après la dernière édition de FIBA (Festival International de Bamako) que nous avons faite, nous n'avons plus fait de festival parce que j'ai eu particulièrement un problème avec un artiste et cela m'a dégouté sincèrement. Raison pour laquelle j'ai pris de la distance avec le festival. Mais j'ai une fille qui fait aussi la communication, qui aime bien tout ça, je crois que je vais peut être lui passer le flambeau car je n'ai plus cette force.
Dans votre carrière, vous avez eu des déceptions ?
J'ai pratiquement 23 ans de carrière, et cela ne va pas sans les déceptions. J'en ai eu beaucoup (des échecs, des rendez-vous manqués), mais cela fortifie et permet d'avoir plus de conviction pour continuer à aller de l'avant. Donc ce sont des déceptions mais pas tout à fait négatives.
Avez-vous des souvenirs ?
De tres beaux souvenirs, souvent tristes et agréables et qui comptent beaucoup. Et comme souvenir agréable, je vais vous parler de ma rencontre dans le cadre du FIBA (Festival international de Bamako) justement avec une artiste qui est devenue comme une sœur. Il s'agit de Coumba Gawlo Seck.
Je me rappelle bien en son temps, le directeur de TV5 Mattar Sylla me l'avait confié en 1997 alors qu'elle commençait à émerger. Et c'est une grande diva aujourd'hui. Mais elle est restée très proche, et elle m'a invitée à Lomé et à Dakar car elle fête son quart de siècle de carrière, le 14 mars prochain.
Je suis allée dans un pays justement dans le cadre du combat contre la fistule, un médecin m'a demandé de rentrer dans le bloc avec lui. Il avait une fistuleuse qu'il devait opérer quand je suis entrée lors de l'intervention, j'ai vu des vers de terre qui sortaient de la partie génitale de la dame. Jamais je n'oublierai cette image choquante.
Avez-vous un message à l'endroit de la jeune génération ?
Les encourager à avoir un idéal et à battre pour cet idéal. Toute chose qui est de plus en plus difficile et rare, car aujourd'hui beaucoup de choses se font par intérêt. Mais malgré cela, il faut pouvoir se regarder dans un miroir pour dire que je ne suis pas très mauvais.
Alou B HAIDARA