Depuis plus d’un mois, Bamako et certaines régions du Mali sont soumis à des délestages intempestifs. Du coup, cette situation cause non seulement des désagréments énormes aux citoyens, mais aussi porte un coup dur à toutes les activités du pays, au moment où la relance économique est à l’ordre du jour.

A Bamako en cette période de l’année, les délestages sont fréquents. Avec la chaleur accablante, les coupures de courant provoquent la frustration de la population qui ne sait plus avec quels mots qualifier cette situation suffocante. La société chargée de la production et la distribution du courant, Edm-sa, voit son image écorchée.
Pour le chargé de la Communication d’Edm-sa, Tiona Mathieu Koné, les coupures d’électricité qui interviennent actuellement sont liées généralement à des travaux de réglage sur le réseau ou encore à des stratégies de desserte, suite à la surconsommation d’énergie qui, faut-il le souligner, dépasse le plus souvent les capacités de production d’Edm-sa. Dont acte ! Mais si les coupures deviennent en ce moment un outil de gestion, voire de régulation de la desserte en énergie, il est aussi nécessaire d’en mesurer les conséquences sur la vie des populations et principalement de l’activité économique.
Calvaire des populations
En cette période de canicule, les gens sont tendus, nerveux. Même un simple débat peu facilement susciter la colère des uns et des autres. S’il faut ensuite se priver d’électricité, pour rester sans ventilation ou climatisation et sans rafraîchissements, il y a de quoi disjoncter parfois. De toute façon, les populations payent stoïquement le prix fort de cette pratique de délestages électriques.
Salif Koné qui représente une association humanitaire (Ased) à Magnambougou ne décolère pas : «On est dans le désarroi. Avec les coupures pendant la journée, nous sommes dans l’incapacité totale de faire notre travail. Le soir, dormir dans les maisons est impossible, il fait trop chaud. Alors on sort pour chercher un peu de fraîcheur et on attend. Souvent on est obligé de causer dehors pour faire passer la nuit».
Notons aussi que les délestages obligent les populations à seravitailler au détail à cause du problème de conservation et en même temps, les prix de certaines denrées alimentaires dont la conservation devient plus difficile prennent l’ascenseur. Ils ne montent même pas par les escaliers : «Aujourd’hui, les gens doivent acheter au jour le jour les poissons, les légumes, la viande parce que les frigos ne marchent plus. Les ménagères se plaignent parce que du coup les tarifs ont augmenté», explique Oumou Traoré, commerçante au grand marché.
L’absence de jus –come disent les techniciens- a aussi perturbé le trafic au niveau de la circulation routière, du fait de l’interruption des feux de signalisation sur de grands axes très fréquentés en ville. Sur ce point, il faut signaler qu’il ne s’agit pas des feux tricolores qui sont alimentés par les panneaux solaires. Mais ceux restés encore branchés sur le réseau Edm-sa. Conséquence immédiate : le taux d’accidents ne cesse de grimper, comme l’indique un sapeur pompier.
L’économie paralysée
L’économie est frappée de plein fouet par ces délestages. En effet, le manque de courant empêche la plupart des artisans d’exercer et du coup de gagner de quoi subvenir aux dépenses quotidiennes. «On ne peut pas travailler, on ne peut pas livrer nos commandes à cause de l’électricité», se lamente Oumar Bengali, tailleur à Badalabougou, qui poursuit : «Chaque jour, il y a des coupures. Tous les jours sans travailler ! Ce n’est vraiment pas possible de continuer à ce rythme. Avec ces délestages, nous sommes même obligés de réduire le train de vie quotidien car nous produisons moins» Même désarroi constaté chez les industriels. Certaines usines ont dû changer leur programme de travail car même avec la mise en marche des groupes électrogènes on ne peut atteindre le rythme normal de production.
Beaucoup de prestataires de services sont également déstabilisés. C’est le cas dans les milieux financiers où, en période de délestage, les sociétés de transfert de fonds doivent se débrouiller pour contenir la colère des Maliens qui se hâtent d’aller retirer l’argent envoyé par un proche, mais se voient finalement obligés de ronger leurs freins et d’attendre le retour du courant pour que les ordinateurs d’exploitation puissent fonctionner. «A cause de l’Edm-sa, nous ne pouvons pas travailler normalement », fulmine Samba Doucouré, promoteur d’un bureau d’échanges au grand marché de Bamako. Il poursuit : «Les usagers arrivent, ils sont souvent remontés. Ils ne peuvent pas percevoir leur argent. Ils attaquent le guichetier souvent avec des propos fortement déplacés. Alors que ce guichetier n’est qu’une victime des délestages parce que son travail est interrompu par le manque de courant».
C’est dans ce contexte que l’opérateur principal du secteur de l’électricité du Mali a augmenté graduellement le tarif de l’électricité pour, dit-on, pallier ses problèmes de trésorerie. Si cela peut régler définitivement le problème, c’est tant mieux. Mais une chose est sure : les responsables de l'EDM-sa doivent avoir toujours présents à l’esprit la devise de la société : « une mission, une vision, une équipe».
Ibrahim M GUEYE