L'AES, un espoir confronté à des graves crises économiques

13 Juillet 2024 - 08:41
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L'AES, un espoir confronté à des graves crises économiques
Niamey, la capitale du Niger, a accueilli, samedi dernier, le premier sommet des chefs d'État de l'Alliance des États du Sahel (AES). Fondée le 16 septembre 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, l'AES vise à renforcer la sécurité régionale et à promouvoir le développement socio-économique.  La création de l'AES marque une rupture avec les politiques antérieures influencées par la France et un rapprochement avec la Russie, dans un contexte de tensions avec la CEDEAO et de menaces économiques et sécuritaires accrues. L'Alliance des États du Sahel (AES) a été officiellement fondée le 16 septembre 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette initiative s'inscrit dans un contexte de crises politiques et de menaces sécuritaires croissantes, marquées par des coups d'État dans chacun des trois pays et une intensification des activités terroristes dans la région. Les trois pays avaient auparavant quitté le G5Sahel (le Mali en 2022, suivi par le Burkina Faso et le Niger en 2023), une organisation régionale soutenue par la France, marquant ainsi leur volonté de prendre une nouvelle direction dans la gestion de leurs défis sécuritaires. La création de l'AES survient également dans un contexte de tensions accrues avec la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Après le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum en juillet 2023, la CEDEAO avait menacé d'intervenir militairement pour rétablir l'ordre constitutionnel. Ce qui avait poussé le Mali et le Burkina Faso à déclarer qu'une telle intervention serait perçue comme une déclaration de guerre contre eux. Ce climat de solidarité face aux menaces extérieures a renforcé la détermination des trois pays à créer une alliance défensive et à se retirer collectivement de la CEDEAO en janvier 2024. L'AES a pour but de renforcer la sécurité régionale en mutualisant les efforts militaires et en partageant les renseignements pour lutter contre les groupes terroristes et les réseaux criminels. Elle vise également à promouvoir le développement socio-économique par la coopération sur des projets d'infrastructure, d'éducation et de santé, afin d'améliorer les conditions de vie des populations locales. L'alliance cherche enfin à faciliter l'intégration politique en harmonisant les politiques et en promouvant des valeurs démocratiques communes pour renforcer la stabilité politique dans la région. C’est dans ce contexte que Niamey a accueilli le premier sommet des chefs d'État de l'AES. Les discussions ont porté sur les défis communs et les solutions régionales concertées avec des attentes élevées de la part des populations locales pour des décisions majeures dans la lutte contre le terrorisme et la pauvreté. Le retrait des trois pays de la CEDEAO et la création de l'AES marquent une rupture significative avec leurs politiques antérieures, souvent perçues comme influencées par la France. Les relations entre ces pays et la France se sont considérablement détériorées, notamment après les demandes de retrait des troupes françaises et la fin de la MINUSMA au Mali. Parallèlement, les trois pays se sont rapprochés de la Russie, cherchant un soutien militaire et stratégique alternatif. En janvier 2024, la Russie a convenu d'établir une coopération militaire avec le Niger et des personnels militaires russes ont récemment été déployés au Burkina Faso. En mai 2024, les ministres des Affaires étrangères de l'AES ont finalisé à Niamey un texte régissant l'institutionnalisation et l'opérationnalisation de la Confédération de l'AES, un pas important vers la formalisation de cette alliance stratégique. Cette nouvelle alliance devrait incarner une vision ambitieuse pour le Sahel, basée sur la coopération et la solidarité régionales. Trois pays à revenu faible  Bien que l'AES représente un espoir pour une meilleure sécurité et une coopération accrue, plusieurs défis économiques et sociaux pourraient entraver sa réussite. Les trois pays font face à de graves problèmes économiques. Le Mali, un pays à faible revenu avec une économie peu diversifiée, a été durement touché par les crises sécuritaires et les fluctuations des prix des matières premières. Le taux de pauvreté extrême a atteint 19,1% en 2022, en grande partie en raison de la baisse du pouvoir d'achat des plus vulnérables et de la faible croissance économique. Le pays reste fortement dépendant de l'agriculture et des exportations d'or, secteurs vulnérables aux aléas climatiques et à l'instabilité sécuritaire. L'économie malienne a montré des signes de résilience avec une croissance estimée à 3,5% en 2022, malgré les sanctions de la CEDEAO et les chocs climatiques. S'agissant du Burkina Faso, des rapports récents indiquent que plus de 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Le pays est d'ailleurs classé 184e sur 191 dans l'Indice de développement humain de 2021-2022. De plus, il est confronté à une insécurité alimentaire sévère avec environ 2,3 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë fin 2023. La croissance économique a été modérée par les défis sécuritaires qui ont limité l'accès aux zones rurales et impacté la production agricole. Concernant le Niger, malgré une projection de croissance économique de 11,2% pour 2024, le pays doit surmonter les conséquences du coup d'État d'il y a un an et la gestion des ressources naturelles telles que l'uranium et le pétrole. La sécurité reste une préoccupation majeure puisque les dépenses militaires élevées sont nécessaires pour lutter contre le terrorisme. Toutefois, celles-ci pèsent lourdement sur les budgets nationaux et limitent les investissements dans le développement économique et social. Certes, beaucoup d'espoirs sont fondés sur l'AES pour transformer le Sahel, mais son succès dépendra de la capacité des membres à surmonter les défis économiques, sécuritaires et politiques qui persistent. La coopération internationale et une stratégie claire seront essentielles pour garantir un avenir stable et prospère pour la région. Même si nombreux sont les partenaires encore réticents à accompagner l'initiative.   Cheick B. CISSE

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