Le lundi 17 septembre à Abidjan, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de la CEDEAO ont étudié la question due déploiement d’une force au Mali dont certaines régions du Nord sont toujours occupées par des rebelles armés qui y imposent leurs lois, dont leur fameuse « charia ».

«
L’heure n’est plus aux conjectures ni aux tergiversations. L’heure est à l’action concertée. Face à l’inacceptable et face aux criminels de toutes sortes qui ont pris le Nord du Mali, il faut agir et vite. Et c’est maintenant qu’il faut agir ! ». Tel est en substance le message livré hier à l’hôtel Ivoire d’Abidjan par le président de la Commission de la CEDEAO, Désiré Kadré Ouédraogo, au cours d’une réunion extraordinaire qui avait réuni au moins 30 ministres de la Défense et des Affaires étrangères des 15 Etats de l’organisation sous-régionale. Il s’agissait pour eux de plancher sur les propositions faites le samedi 15 septembre par les Chefs d’état-major de la CEDEAO qui s’étaient réunis les vendredi 14 et samedi 15 septembre. Les responsables militaires ont fait des propositions après l’examen des conditions de déploiement d’une force au Mali en proie à une crise.
Le président du Comité des Chefs d’état-major de la CEDEAO, le Général Soumaïla Bakayoko, avait précisé que ces propositions démontrent leur détermination à exécuter la mission de reconquête du Nord malien. Selon le président du Conseil des ministres de la CEDEAO, Daniel Kablan Duncan, le Conseil de médiation et de sécurité de la Communauté se réunit pour «
tracer le cap de l’appui militaire de la CEDEAO au Mali, en liaison avec l’Union africaine ». Même s’ils ont qualifié ce travail de « tâche immense, mais pas impossible », le Ministre ivoirien des Affaires étrangères, en ouvrant les débats, a précisé : «
Nous voulons lancer un message sur la volonté et la détermination de la CEDEAO et de l’Afrique entière à accompagner le Mali dans la reconquête de son intégrité territoriale ». A cet effet, par la voix du premier responsable de sa Commission, la CEDEAO a fermement condamné la prise de la ville de Douentza, le 1er septembre, par le MUJAO avant de déplorer le massacre de Diabali qui a provoqué la mort de 16 prédicateurs maliens et mauritaniens. Compte tenu de ce triste évènement, Kadré Désiré Ouédraogo a souligné qu’il est plus qu’urgent d’agir au Mali pour stabiliser la situation.
La CEDEAO, qui prépare depuis des mois le déploiement de 3 300 soldats de sa Force militaire en attente (FAC), a dû revoir ses projets initiaux qui prévoyaient notamment la sécurisation du régime de la Transition à Bamako. Alors que certains observateurs déplorent l’attitude des politiciens maliens vis-à-vis de la gestion de la crise, l’ancien Ambassadeur ivoirien en France a indiqué : «
Les nouvelles autorités maliennes sont conscientes de la gravité de la situation de leur pays ». Par ailleurs, le vendredi 14 septembre, Kadré Désiré Ouédraogo avait souligné qu’avant toute démarche devant les Nations Unies, les pays d’Afrique de l’Ouest demandent plus de cohérence politique et militaire avec Bamako, tant la question malienne est préoccupante. De certaines indiscrétions, il ressort que les bandits rebelles armés du Nord sont plus armés que trois pays ouest-africains. C’est que selon des sources diplomatiques, des éléments de l’armée malienne avaient abandonné un véritable arsenal avant de fuir le front au Nord. Aussi, les rebelles avaient tôt fait de s’en emparer, sans compter le matériel militaire et logistique qu’ils avaient récupéré en Libye. C’est dire qu’ils possèderaient actuellement plus de matériel que le Burkina Faso, le Niger et la Côte d’Ivoire réunis ! On peut donc affirmer sans se tromper que l’intervention de la CEDEAO militaire au Mali n’est plus qu’une question de jours, sinon d’heures.
Une tâche immense, mais pas impossible
La couverture politique de cette opération est déjà assurée puisque le Président Dioncounda Traoré a officiellement demandé l’aide de la CEDEAO (début septembre) pour déloger les groupes rebelles du Nord. Il est donc clair que la Communauté désormais sur le pied de guerre. Une nouvelle qui va sans doute rassurer certains pays occidentaux, notamment la France, qui jugent insupportable d’assister, impuissants, à l’émergence d’un émirat moyenâgeux qui n’a rien à envier aux talibans afghans. L’option armée contre les rebelles armés du Nord commence à gagner des sympathisants, y compris parmi les pays qui étaient jusque-là rétifs. Ayant senti le danger que peut représenter un voisinage aussi encombrant (le Nord-Mali), l’Algérie ne serait pas totalement contre le recours aux armes.
L’attaque se met en place
Ce conclave décisif de la CEDEAO intervient le jour même où la Haut Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Navi Pillay, a dénoncé ces violences tout en évoquant de graves violations des droits de l’homme et éventuellement ; des crimes de guerre. L’émirat islamique, qu’on dit soutenu et financé par le Qatar, a déjà commencé l’application de «ses lois», par exemple la « charia ». Ainsi, des hommes accusés de vol ont été amputés, un couple jugé illégitime a été lapidé à mort et d’autres personnes ont été fouettées en public par les islamistes qui ont également détruit (samedi dernier) des tombeaux de saints musulmans à Tombouctou. Aussi, la question se pose de savoir quelle forme prendra cette intervention militaire de la CEDEAO. Par ailleurs, dans sa demande d’aide, le Président Dioncounda avait pris le soin de préciser : «
Le déploiement des forces militaires combattantes est sans objet». S’agit-il d’une simple force d’interposition pour sécuriser Bamako, comme le pensent certains observateurs? En tout cas, cette indécision tire sa source de l’incapacité du gouvernement malien à accorder leurs violons et parler d’une seule voix par rapport à la résolution de la crise.
Paul N’Guessan