Un putsch non consommé : Le CNRDR a tout faux
Entrés par effraction sur la scène politique nationale, les putschistes du 22 mars dernier ont du mal à convaincre les forces vives de la nation de rallier leur cause.
De manière générale, ici ou ailleurs, les putschistes ont toujours à la bouche ce bon mot : «Nous sommes venus faire le ménage et mettre de l’ordre dans la maison. Une fois cette mission accomplie, nous donnerons le pouvoir aux civils pour le retour à une vie constitutionnelle normale» Le Comité national de redressement de la démocratie et de restauration de l’Etat (CNRDR) n’a pas dérogé à cette règle.
Après le 19 novembre 1968, le général Moussa Traoré et ses compagnons d’arme, accueillis par une véritable liesse populaire pour avoir délivré le peuple d’un pouvoir autocrate, avaient promis de s’en aller très bientôt, mais sont restés près de 23 ans. Ils ne partiront que contraints et forcés par un mouvement populaire et Amadou Toumani Touré qui, lui aussi accueilli par une véritable liesse populaire pour avoir libéré le peuple d’un régime dictatorial, sera félicité par le monde entier pour avoir transmis le pouvoir aux civils après une courte transition. Les putschistes du 22 mars en feront-ils autant ? Ils l’ont promis, assurant ne pas avoir pris le pouvoir pour le confisquer. Mais quand le rendront-ils ?
Si l’on en croit un de leurs communiqués, le pouvoir sera «restauré aux civils dès que l’unité nationale et l’intégrité territoriale seront rétablies». Le CNRDR explique que son coup d’Etat a pour but de réparer «l’incompétence» et la «mauvaise gestion » de la crise du nord par «Monsieur» Amadou Toumani Touré. Or pendant que les putschistes déclamaient sur les ondes de l’ORTM qu’ils contrôlent, le MNLA se dit «réjoui» de ce putsch grâce auquel il compte multiplier ses offensives et reprendre des positions aux forces armées et de sécurité. Autant dire que le CNRDR veut de beaux jours devant lui aux commandes de l’Etat car l’unité nationale et l’intégrité territoriale sont encore plus menacées par les promesses de recrudescence et d’escalade de la violence dans le nord. D’autant plus que les bandits armés, depuis leur sanctuaire mauritanien, déclarent qu’il est peu probable qu’ils discutent avec des mutins sans expérience et sans légitimité. Et que de toutes les manières, renchérissent-ils, le MNLA ne changera pas d’un iota ses objectifs visant à «libérer» les trois régions du nord «occupées» par le Mali.
Légalité et légitimité
Le MNLA n’est pas le seul à dénier au CNRDR cette légitimité que les mutins recherchent désespérément. Ici même, contrairement au 19 novembre 1968 et au 26 mars 1991, le putsch du 22 mars n’a donné lieu à aucune manifestation de joie. Les populations, à Bamako comme dans les villes de l’intérieur du pays, semblent ne pas cautionner ce coup de force et ne l’ont pas applaudi. Mêmes les casseurs et pilleurs traditionnels sont restés à la maison, laissant la sale besogne à de nouveaux acteurs.
La classe politique, du moins en ce qui concerne tous les grands et véritables partis politiques, s’est alliée aux organisations de la société civile et aux syndicats dont le barreau pour condamner le coup d’Etat et exiger le retour à la normale, c’est-à-dire le départ de la junte et le rétablissement d’ATT dans ses fonctions de seul et unique chef de l’Etat. Il faut dire que les véritables démocrates et républicains de ce pays pourraient difficilement cautionner un coup d’Etat militaire, acte qualifié de crime imprescriptible dans la Constitution. Le fait est que, selon ces véritables démocrates et républicains, un putsch est non seulement un coup dur pour une République, mais surtout un recul grave de la démocratie. Aujourd’hui, le Mali, sans institutions républicaines, sans président de la République, sans Assemblée nationale, sans pouvoir judiciaire, les véritables fondements d’un Etat de droit, est retourné en son état de 1991.
Cependant, dans l’impossibilité totale d’inscrire son acte dans la légalité constitutionnelle, le CNRDR, en revanche, pourrait s’aliéner une certaine légitimité. En effet, pour insignifiants qu’ils soient sur la scène politique nationale, certains acteurs ont levé le rideau pour proposer aux «jeunes» putschistes leur «encadrement» et accompagnement politique. Avec un brin de cynisme, on peut dire que c’est de bonne guerre. Même avec des consultations électorales organisées dans la plus grande transparence, ces acteurs n’ont aucune chance de s’imposer même pour jouer les seconds, voire troisièmes rôles. Incapables donc de gagner par les urnes, ils en sont réduits à aider les armes dans le complot contre la démocratie.
Peut-il en être autrement pour ce député qui ne doit son siège qu’aux militaires ?
Cheick Tandina
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