Blessés dans leur orgueil suite à une fuite peu glorieuse, les Bérets rouges se sont décidés à riposter contre la junte militaire qui les avait chassés du Palais présidentiel il y a quelques semaines.

C’est atmosphère lourde et pleine de suspicions qui règne actuellement dans la capitale après la série d’affrontements qui a opposé les Bérets rouges fidèles à l’ex-Chef de l’Etat aux hommes du Capitaine Sanogo, les Bérets verts. Après avoir mesuré la force et la détermination des pro-putschistes, les pro-ATT ont fini par opérer un repli stratégique dans l’après-midi du mardi dernier. Cependant, rien ne prédit que les choses en resteront là. Revigoré par cette victoire, le Capitaine Sanogo a lancé un appel aux insurgés pour leur proposer de baisser les armes et réintégrer manu militari leurs garnisons : «
Je lance un appel aux autres Bérets rouges qui ne sont plus dans la garnison et qui traînent dans la nature : il est encore temps de revenir, d’essayer de trouver le poste de gendarmerie le plus proche et de se rendre. Cela va faciliter les choses ». Le bilan de ces affrontements meurtriers aurait causé des dizaines de victimes civiles et militaires. De même, on dénombre plusieurs blessés dont certains seraient gravement atteints.
La situation devient de plus en plus compliquée
Alors qu’on pensait à une autre série de négociations suite au refus du Capitaine Sanogo de se conformer aux désidératas de la CEDEAO, voilà que cet autre problème vient en rajouter à la crise. Une fois de plus, ce sont les rebelles touaregs et autres islamistes qui vont s’en délecter. Ces derniers viennent d’être pointés du doigt par plusieurs ONG, dont HRW, qui les accusent d’avoir commis des exactions : viols, pillages, tortures, meurtres…Quoi qu’il en soit, les négociations sont suspendues pour le moment, même si les accords demeurent. Néanmoins, selon une déclaration des militaires, la transition n’est nullement remise en cause. Mais la junte ratisse les différents quartiers de Bamako à la recherche d’éventuels ennemis. «
14 éléments ont été mis aux arrêts et de nombreux autres sont morts », indique un soldat de la junte. Par ailleurs, des renforts auraient été dépêchés aux quatre coins du pays pour faire face à la situation : «
Des hommes supplémentaires sont déjà arrivés sur place en provenance de Koulikoro, et de nombreux autres sont en route depuis Sikasso, ainsi que Ségou », affirme un autre gradé.
Aux dires des Bérets verts, il faut s’attendre à du nouveau grabuge dans les jours à venir. L’aéroport a été bouclé, tous les endroits stratégiques de la capitale sont surveillés par des hommes lourdement armés et sur le qui-vive. La junte contrôle tous les points stratégiques de la capitale suite à cette tentative de contrecoup d’Etat qui, selon le Capitaine, a été fomenté par les Bérets rouges en complicité avec des mercenaires venus du Burkina Faso, du Sénégal, de la Côte-d’Ivoire, du Libéria, etc. Autant dire qu’avec un tel climat, c’est désormais le branle-bas de combat. Le 6 avril, la junte avait signé, avec les émissaires de la CEDEAO, un accord par lequel elle acceptait de rendre le pouvoir aux civils et la mise en place d’organes de transition et d’un Président intérimaire pour une durée à déterminer.
Le Burkina Faso, complice dans la guerre des Bérets ?
Que cache la thèse du « complot étranger »? Alors qu’une nouvelle guerre des Bérets a fait rage dans la matinée du mardi 1er mai, les « Verts» proches de la junte ont été attaqués la veille par les «Rouges» de l’ex-Garde présidentielle qui ont décidé de contre-attaquer. Mais voilà qu’une théorie de complot étranger naît dans la capitale.
S’exprimant sur une radio locale, Le Capitaine Sanogo a affirmé que ses fidèles ont réussi à tuer des assaillants et à en capturer d’autres. Des propos confirmés par un porte-parole de la junte, le Lieutenant Mohamed Issa Ouédraogo, qui précise : «
Les éléments pris proviennent de divers horizons et sont soutenus par d’autres forces internes et obscures». Et un journaliste d’une agence de presse témoigne avoir vu un militaire de la junte «
se tenir au-dessus de deux hommes vêtus d’uniformes de la Garde présidentielle et montrer leurs tatouages prouvant qu’ils étaient originaires du Burkina Faso».
De quoi faire siffler les oreilles du Président burkinabè et Médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne. Comment va donc réagir Blaise Compaoré si, pendant qu’il s’active à « éteindre le feu » qui consume le Mali, certains de ses concitoyens l’attisent ? Si des étrangers sont vraiment mêlés à ces derniers événements, quel sera l’avenir de la médiation?
La junte, quant à elle, rejette en bloc le déploiement des troupes proposé par la CEDEAO et la prolongation de la durée du mandat du Président intérimaire, allant même jusqu’à parler de...« trahison » de l’organisation sous-régionale. Le Capitaine Sanogo, qui n’a visiblement pas abandonné ses projets présidentiels, promet également de «prendre ses responsabilités» si le mandat de Dioncounda Traoré dépassait le délai constitutionnel de 40 jours. «
Les éléments pris proviennent de divers horizons et sont soutenus par d’autres forces internes et obscures», affirment les Bérets verts. Veulent-ils profiter de la situation pour mettre la CEDEAO et son Médiateur dans l’embarras, avec un objectif connu d’eux seuls? En tout état de cause, il faut éviter que de telles déclarations ouvrent la voie à une « chasse aux sorcières » qui permettrait au Capitaine Sanogo et ses compagnons de se débarrasser de personnalités gênantes. Alors que la rencontre entre le Médiateur et la délégation de la junte avait été reportée, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, faisant office de «
missi dominici » de Blaise Compaoré, assurait que l’organisation sous-régionale n’avait toujours pas envoyé de troupes sur le terrain au Mali.
Jean Pierre James