Gouvernance Démocratique : Les deux pêchés mignons d'ATT
Le président de la République, Amadou Toumani Touré, a péché sur deux points essentiels, notamment dans l’Affaire «Air Cocaïne» et la médiatisation à Outrance de la libération des Otages. Deux dossiers qu’il aurait dû gérer avec beaucoup de prudence.
Commençons d’abord par l'Affaire «Air Cocaïne»
Cette affaire est ultra sensible au plan mondial, en raison du trafic d'un produit hallucinogène de première qualité et de la croisade mondiale contre le fléau de la drogue. Le retard du Gouvernement dans la communication des informations sur cette affaire rocambolesque a sérieusement écorné l'image de notre pays. L’arrestation de deux individus dans cette affaire et la relaxe, semble-t-il, de deux autres protagonistes, alors que le dossier est en cours d'instruction, acheva de convaincre que le Gouvernement ne serait pas neutre dans la protection des personnes suspectes. Compte tenu de la sensibilité du dossier à l’échelle internationale, il aurait été mieux inspiré de communiquer régulièrement sur le dossier de sorte à dissiper le sentiment que l'on chercherait à couvrir les intérêts de personnes très peu recommandables.
Le maintien en prison de deux menus fretins impliqués dans cette affaire, laisserait penser qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond au Royaume du Danemark. A défaut de boucler l'instruction, faute de pouvoir interpeller les gros poissons, on ferait mieux de remettre en liberté, ne serait ce que provisoirement, les deux souffre-douleurs que l'on a épinglés depuis 7 mois déjà.
Le premier, Éric Vernay, vit au Mali depuis sa tendre enfance et son père, M. Vernay, patron de Valimex, a travaillé honnêtement pendant toute sa carrière d'entrepreneur pour que son enfant ne manque de rien. Le destin d’Éric bascula lorsqu'il rencontra M. Gueye, patron d’AAA, tous deux opérant dans le domaine de l'aviation. Il paraît que le père d’Eric visite son fils tous les jours dans le quartier hyper sécurisé de la prison de Bamako-Coura. Il serait enfermé nuit et jour par le Régisseur, alors que Ben serait libre dans un autre quartier. Lui qui a construit sa carrière de toutes pièces. Quelle est cette politique carcérale à double vitesse?
Les relations filiales particulières entre ATT et le jeune Ben Hacko de Go voyages, souffrant de diabète et hypertendu, devraient l'inviter, en sa qualité de président de la Magistrature, à accorder une liberté conditionnelle, en attendant son procès. Le président ne devrait pas laisser dire que Hacko Ben serait impliqué dans ce commerce illicite parce qu’il a eu à rendre service à M, Gueye de la société AAA. Il doit s'assurer que la justice apporte une réponse satisfaisante aux interrogations du commun des mortels dans un délai raisonnable. Or, ceci peut se faire hors milieu carcéral. Le maintien en détention de Ben Hacko de Go voyages confirme le message suivant lequel le président ne protège pas ses relations de peur d'amalgame de l'opinion et des mauvaises langues, même si elles sont présumées innocentes. Ce n’est pas en enfermant ses proches que l'on peut empêcher que des amalgames et des rumeurs malveillantes se répandent.
Dans le même dossier, d'autres protagonistes (de vrais gros poissons) sont libérés en catimini, à partir de la Sécurité d'Etat où ils auraient été interpellés. C'est cette politique de deux poids, deux mesures qui manque de lisibilité et rend les proches du président et leurs familles très amers. Personne ne demande au président de protéger et de faire libérer un coupable, mais la loi, dans un même dossier, devrait s'appliquer à tous de la même façon.
C'est l'un de ces pêchés mignons d'ATT, qui au lieu de sauver l'honneur de ceux qu'il connaît, parfois depuis le berceau, présumés innocents, les laisse à la vindicte populaire, couverts d'opprobre tandis que, d'autres pontes du régime qu'ils ne semblaient connaître ni d’Eve, ni d'Adam, pourtant inculpés, bénéficient de sa clémence ; dorment en dehors des geôles du régime, notamment ceux impliqués dans l'affaire du Fonds mondial.
Dans le cas d'espèce, le détournement des fonds est avéré et les protagonistes sont connus et mis en examen, alors que dans l'affaire d’Air Cocaïne, c'est une présomption d'implication dans un trafic de stupéfiants qui est reproché à ceux qui sont détenus dans ce dossier. Pour faire plaisir à l'opinion nationale et internationale, le président sacrifie ainsi la liberté et l'honneur de son proche. Le résultat de ses interventions sur ce type de dossier est beaucoup plus pour enfoncer et prolonger la détention de son proche que pour lui permettre de recouvrer la liberté dans la dignité et dans l'honneur. L'opinion n'est pas dupe et elle a sa petite idée sur chaque dossier sulfureux de la République.
Médiatisation à outrance de la libération des otages
L'autre pêché mignon du Général-président est l'excès de communication sur des dossiers qui devraient être médiatisés par d'autres sources, le Mali devant faire preuve d'une discrétion de bon aloi comme le fait le Burkina en pareilles circonstances, c'est-à-dire, éviter de tirer une gloire sur la détresse des otages libérés.
C'est souvent le pays d'origine de l'otage libéré qui fait de la communication sur le sujet. Au lieu de cela, on a assisté à une médiatisation à outrance de la libération des otages occidentaux, capturés dans les pays voisins et libérés sur le territoire malien par l'entremise du président. L'organisation d'un grand show télévisé à la Présidence à Koulouba à l'occasion desdites libérations renvoyait deux messages contradictoires, à savoir : donner une tribune aux terroristes pour magnifier leurs faits d'armes et donner du Mali, l'image d'un pays sanctuaire où se noue et se dénoue la contrebande d'otages.
Ces transactions illicites, condamnées par le droit international, ont fini par créer un électrochoc en Occident et décréter les zones nord du Mali comme zone à risque potentiel élevé d'enlèvement d'otages par le Quai d’Orsay. La conséquence de cette alerte rouge est le tarissement des flux touristiques en direction du pays profond et le naufrage des sites touristiques. Le tourisme de masse sinistré créé par les «pirates du désert» renvoya aux populations le message de la paupérisation et de l'insécurité financière, alors qu'une poignée d'individus profitaient de l'aubaine. L'opinion subodore que toute libération d'otages est une affaire de gros sous pour quelques intermédiaires tapis dans l'ombre ou pour des mandataires officiels, mercantilistes d'un nouveau genre , où des millions d'euros sont échangés sur les dunes brûlantes du désert malien contre la vie de personnes dont le seul tort est d'avoir été captivées par l'irrésistible appel du sable fin et par l'immensité du Sahara.
Birama FALL
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