Googan Tan : Tebboune a donc mis de la menthe dans son "Attaya (thé)"
Dans une déclaration récente, Abdelmadjid Tebboune a affirmé que "les frères maliens ont compris que l'Algérie n'est pas seulement un voisin, mais plutôt un frère". Toutefois, cette affirmation occulte une réalité essentielle : le Mali a, lui aussi, évolué et acquis désormais une maturité qui lui permet de déceler ses vrais amis, y compris parmi ses voisins et ses frères.
Les relations entre l'Algérie et le Mali ont traversé des périodes de tensions et de rapprochements successifs, révélant des dynamiques diplomatiques complexes entre deux pays voisins. Une phase de crispation notable a été observée ces derniers temps, marquée, entre autres, par des déclarations acerbes du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, suivies par des réponses toutes aussi incisives que celles d'Abdoulaye Maïga à l'ONU et le rappel des ambassadeurs respectifs. Ce climat tendu semblait préfigurer un durcissement des rapports bilatéraux, mettant à l'épreuve une relation historique autrefois empreinte de solidarité et de coopération. Les manœuvres algériennes à la frontière entre les deux pays n'ont rien arrangé, préfigurant une "immixtion" dans les affrontements intra-maliens (entre jihado-rebelles et FAMa). Cependant, la nomination d'un nouvel ambassadeur malien à Alger, Mohamed Amaga Dolo, fin connaisseur des relations algéro-maliennes et des points de friction entre les deux pays, a laissé entrevoir une évolution dans l'approche malienne vis-à-vis du voisin du nord-est. Cette initiative diplomatique, conjuguée à des signaux de détente envoyés par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, ne paraît laisser place à aucun hasard. Au Mali et en Algérie, on évolue vers une volonté réelle de renouer les liens entre Alger et Bamako.
Pourquoi un tel changement de ton à Alger ?
Ce rapprochement algéro-malien intervient dans un contexte régional et international en perpétuel mouvement. Parallèlement à cette volonté de réchauffement avec Bamako, l'Algérie fait face à une dégradation significative de ses relations avec de nombreuses nations, dont la France et le Maroc.
De plus, l'instabilité persistante dans la région du Sahel et la recomposition des alliances politiques en Afrique de l'Ouest, comme l'AÉS, ont un impact direct sur les repositionnements diplomatiques.
D'ailleurs, dans sa déclaration, Tebboune susurre qu'il reconnait l'entité AÉS et s'accorde à coopérer avec elle.
Par ailleurs, face à la montée en puissance de nouvelles influences, notamment russes et turques, l'Algérie cherche à affirmer son rôle de médiateur et de puissance régionale. En ravivant ses liens avec le Mali, Alger espère non seulement consolider une alliance stratégique, mais aussi préserver sa sphère d'influence dans une région où la compétition géopolitique est de plus en plus accrue.
La question touarègue : un enjeu de taille
Reste le seul point de friction majeur entre l'Algérie et le Mali. Il réside dans la gestion de la question touarègue. Depuis plusieurs décennies, la rébellion du nord, en particulier depuis peu le Front de libération de l'Azawad (FLA) récemment créé au forceps à Alger, constitue un élément perturbateur des relations entre les deux pays. Certains groupes touaregs, ayant trouvé refuge en Algérie, sont, en effet, accusés par Bamako d'alimenter l'instabilité dans le nord du Mali par des incursions récurrentes aux côtés des jihadistes.
L'Algérie, qui s'est historiquement positionnée comme médiateur dans la crise malienne, semble aujourd'hui réévaluer sa stratégie. Alger devrait adopter une approche plus équilibrée entre son soi-disant slogan de "protection des populations touarègues" et la nécessité de préserver ses relations stratégiques avec Bamako. Cette posture implique un engagement renforcé en faveur d'une solution politique durable, qui tiendrait compte de l'intégrité territoriale du Mali et en se démarquant des actions armées contre le pouvoir central. C'est là que Tebboune est attendu fermement par tout le Mali "débout sur les remparts".
Le réchauffement des relations entre Alger et Bamako pourrait ouvrir la voie à une coopération plus approfondie dans plusieurs domaines stratégiques, notamment face à la menace persistante du terrorisme dans le Sahel. Une meilleure coordination entre les services de renseignement et les forces de sécurité des deux pays serait un atout indéniable. Par ailleurs, une collaboration accrue dans le domaine économique pourrait également profiter aux deux nations.
Le Mali, sorti de la CÉDÉAO, dépourvu d'accès à la mer, pourrait tirer avantage de meilleures infrastructures de transport et de facilités commerciales avec l'Algérie. De son côté, Alger pourrait gagner les dividendes d'un échange fructueux et consolider sa position, à partir "de la plateforme Mali", en tant que partenaire économique prépondérant en Afrique de l'Ouest.
Pourvu que le thé léger algérien concocté par Tebboune trouve grâce auprès de ses frères maliens, car comme le dit un vieil adage : " Un bon thé se partage lentement, tout comme une amitié sincère se tisse avec le temps. "
Seidina O DICKO
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