La transition transie ?
Le lundi 21 mai, le pire est arrivé : le président de la République par intérim, même pas encore installé dans son fauteuil de chef de la transition, est sauvagement agressé par une foule en colère, déchainée et lancée comme un véhicule sans frein. L’émotion passée, il convient de comprendre ce qui s’est passé et ce que cela induit.
Au lendemain de cette barbarie, de nouveaux confrères ont déclaré qu’elle a été condamnée à l’unanimité par tout le monde. Difficile à croire, même si les déclarations de condamnation ont fusé de toutes parts. On peut penser que les confrères ont tort, parce que même pour un acte aussi ignoble et ignominieux que cette déclaration, il y en a sûrement qui ne devraient pas le condamner : ce sont ceux qui l’ont commis et/ou commandité. Et il y en a forcément, et ce sont les mêmes que ceux qui, le 19 mars dernier, ont empêché l’atterissage à Bamako-Sénou des avions des chefs d’Etat de la Cédéao. Ceux-ci, malgré les condamnations de principe, n’ont jamais été inquiétés. Il est donc tout à fait normal que, se croyant impunis et protégés par les maîtres du pays, ils récidivent. L’organisation sous-régionale a demandé une enquête pour retrouver, juger et sanctionner les auteurs et commanditaires de l’agression du 21 mai, cela servira-t-il à quelque chose ?
Car, et les confrères ont peut-être raison, s’il y a eu unanimité de la condamnation, c’est que ses auteurs et commanditaires ont fait chorus et suivi le mouvement en condamnant leur propre acte. Cela n’est pas exclu, ces derniers temps il y a eu tant de manifestations de mauvaise foi, de duplicité, de sournoiserie, d’hypocrisie. Qui a condamné ?
La communauté internationale (Cédéao, Onu, président français, etc.). La Cédéao est dans son rôle car c’est son plan qui est menacé, désavouée pour avoir imposé Dioncounda Traoré en qualité de président de la transition. Son principal interlocuteur, qu’elle a légitimé par la signature bilatérale de l’Accord-cadre du 06 avril, le Cnrdre, a également condamné. Mais que vaut cette déclaration ? Pas grand-chose. Son auteur, Amadou Haya Sanogo, outre le fait qu’il refuse de donner son titre de président de la Transition à Dioncounda Traoré (dans le communiqué lu à la télé, il souhaite prompt rétablissement au président de la République par intérim), peut se faire plusieurs reproches. D’abord, le 29 mars, alors qu’il était tout puissant maître à bord, il n’a jamais diligenté d’enquête pour sanctionner les manifestants de l’aéroport international Bamako-Sénou. Ensuite, c’est à son initiative que le régiment des commandos parachutistes, chargé de la protection et de la sécurité des hautes personnalités, a été décimé. Dans une inteview, le capitaine Sanogo avait promis que cette mission sera assurée par les autres corps des forces armées et de sécurité. Or, selon plusieurs sources et témoignages, les marcheurs du 21 mai n’ont eu aucun mal, n’ont rencontré aucune résistance, pour quitter le Cicb et se rendre jusqu’à la Maison du Mali où ils ont molesté un chef d’Etat, première institution de la République. En outre, ce sont ses hommes, le colonel-major Yamoussa Camara et le général Tiéfing Konaté, qui sont respectivement à la tête des ministères de la défense et des anciens combattants, de la sécurité intérieure et de la protection civile. Dans n’importe quel pays civilisé, ces deux ministres auraient déjà démissionné de leurs fonctions et peut-être de l’armée pour avoir failli dans leur mission première de défendre l’intégrité territoriale de la République et l’intégrité physique de sa première institution.
Le député Oumar Mariko, président du parti Sadi et responsable du Mouvement populaire du 22 mars (MP 22) et de la Copam a également condamné la sauvagerie du 21 mai. Or, il se trouve que c’est du Cicb, où se déroulaient les travaux de « la convention nationale », que ses auteurs ont décidé et entamé la marche ayant abouti à Koulouba. Sachant que la Copam est favorable à la junte et défavorable à Dioncounda Traoré comme président de la transition, sachant que la marche avait pour objet de protester contre la désignation de Dioncounda Traoré par la Cédéao, sachant que les forces de l’ordre ne se sont pas opposées aux marcheurs, les responsabilités ne devraient pas être difficiles à situer pour qui cherche bien.
Qui cherche à lire entre les mots parce que condamner un acte ne veut pas dire forcément qu’on en est pas l’auteur.
A contrario, ne pas condamner un acte ne veut pas dire forcément qu’on en est l’auteur. Le Premier ministre de la transition, Cheikh Modibo Diarra, pour ne pas être compris de tout le monde, s’est exprimé en bambara, une langue dans laquelle il excelle pour noyer le poisson. En l’occurrence, le chef du gouvernement de la transition s’est borné à trouver l’agression du 21 mai « inacceptable » et, le lendemain, promettre une enquête afin de « faire toute la lumière »
A l’issue de cette enquête attendue, puisque l’acte a été condamné par tout le monde ou presque, il est impérieux que ses auteurs et commanditaires soient trouvés, jugés et sanctionnés conformément à la législation en vigueur.
Parce qu’à partir de maintenant, comme dirait l’autre, c’est « amnistie zéro », il y a eu suffisamment trop d’impunité.
Cheick Tandina
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