Le vice-président de la COPAM, PR Younouss Hamèye Dicko, à propos de la crise : "Les gens ont fait de l'agression de Dioncounda un fonds de commerce…"

8 Juine 2012 - 11:33
8 Juine 2012 - 11:37
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Président du parti Rassemblement pour le Développement et la solidarité (RDS), président du regroupement pro-putschiste Alliance pour la démocratie et la République (ADR), vice-président de la Coordination des organisations patriotiques du Mali (COPAM) qui soutient la junte qui a renversé le pouvoir du président Amadou Toumani Touré, le Pr Younouss Hamèye Dicko analyse, dans cette interview exclusive qu'il a bien voulu nous accorder, la crise que traverse actuellement le Mali. Pour cet ancien ministre de l'Enseignement supérieur, qui a aussi la casquette de professeur de Sciences physiques, la CEDEAO est maladroitement intervenue dans la gestion de la crise. A propos de l'agression du président Dioncounda Traoré, le 21 mai dernier, celui qu'on qualifie de «Talleyrand malien» estime que certains "ont fait de l'agression du président de la transition un fonds de commerce pour éliminer tous ceux qui peuvent  dire non et continuer le festival des brigands". [caption id="attachment_71860" align="alignleft" width="350" caption="Younouss Hameye Dicko"][/caption] Quelle analyse faites-vous de la crise  que traverse le Mali ? Le 22 mars 2012, les militaires ont pris le pouvoir et, depuis, notre pays connaît bien des turbulences. Je crois que c'est une prise du pouvoir qui a eu des difficultés à s'installer. Ces difficultés sont de deux ordres. Naturellement, les tenants de l'ancien pouvoir ont continué à agir de manière que le calme ne puisse pas revenir tout de suite. La deuxième raison, c'est aussi le fait que les tenants de l'ancien pouvoir ont eu des complices à l'extérieur ; notamment au niveau de la CEDEAO. Et la situation que nous vivons est aux trois quart à imputer à l'intervention maladroite de la CEDEAO. Les 14 et 15 avril 2012, nous avons été à Ouaga. Par nous, j'entends les forces vives du Mali. Nous avons eu une rencontre avec le médiateur, le président Blaise Compaoré et nous avons été satisfait de la façon dont il avait traité le problème. A notre grande surprise, il y a eu ensuite une rencontre de la CEDEAO à Abidjan qui a désigné, de façon imprévue et unilatérale, un président de la transition pour le Mali. Ceci a entraîné une vive tension et des mécontentements dans la ville. Car, pour nous, la CEDEAO devait nous accompagner pour faire baisser la tension et non l'accentuer. Tantôt, on nous menace d'envoyer des troupes étrangères à Bamako pour sécuriser la transition, qui aurait été tout à fait sécurisée si on laissait les Maliens faire. Tantôt, on menace d'envoyer des troupes dans le Nord du Mali sans le consentement des Maliens. Et, dernièrement, c'est le président de l'Union africaine, le président Yayi Boni, qui dit qu'il va saisir les Nations Unies pour que des troupes étrangères débarquent sans le consentement des Maliens. Donc, tout cela déstabilise le pays, le paralyse et l'empêche de libérer le Nord. Qu'entendez-vous par "intervention maladroite de la CEDEAO" ? La CEDEAO ne respecte pas le peuple malien. Elle ne respecte pas l'Accord-cadre signé avec les militaires le 6 avril 2012. Cet accord stipule qu'il doit y avoir des concertations nationales avec les forces vives du Mali. Par exemple, pour définir les organes de la transition. Et, précisément, nous nous sommes mis d'accord avec le médiateur sur la façon et le processus de désignation du Premier ministre. Et après, la désignation du président de la transition a été faite de façon unilatérale. Vous savez, les Maliens ne veulent pas que l'ancien pouvoir dirige la transition. Aujourd'hui, le problème n'est pas seulement militaire. Le problème est aujourd'hui réellement l'espoir du changement. La CEDEAO dicte au peuple malien ce qu'il doit faire. Elle ne se concerte pas avec le peuple. Nous sommes un pays souverain, une nation souveraine. Même s'il faut nous faire du bien, il faut que cela se fasse avec le peuple. Que cela se décide à Bamako. Sans quoi, l'aide est attendue ; mais cela se fait de façon si brutale que ça révolte les patriotes maliens. Quel est alors votre plan de sortie de crise ? Notre plan de sortie de crise est tout simple ; tant au niveau de notre parti qu'au niveau de l'ADR ou de la COPAM. Il faut organiser la convention nationale telle que prévue dans l'Accord-cadre et dans la déclaration de Ouagadougou du 15 avril 2012. Il faut permettre au peuple malien de s'exprimer dans un grand rassemblement. Et la personne sur laquelle le peuple va s'entendre pour le conduire, pour le moment, va diriger la transition. Comme je l'ai déjà dit, aujourd'hui, il est question d'un espoir du changement. Et tant qu'il n'y aura pas une grande discussion ou une grande concertation pour définir l'avenir immédiat de ce pays, il y aura toujours des problèmes pour se tourner résolument vers l'urgence du Nord. Jusqu'ici, la CEDEAO, qui doit nous aider, a pris des attitudes d'évitement. Des chefs d'Etats se réunissent à Abidjan, à Dakar, pour imposer des décisions au peuple souverain. Cela suscite de grands mécontentements. C'est cela qui paralyse. Toute solution qui ne tient pas compte de l'espoir du changement sera vouée à l'échec. On ne peut pas faire le changement avec ceux qui ont été à la base du délitement du pays, de l'occupation du Nord. Le président de la Transition a été agressé le 21 mai ,dans la foulée de la tenue de la convention de la COPAM. Quelle lecture faites-vous de ces deux événements ? La COPAM a tenu sa convention les 21 et 22 mai 2012. Nous avons convoqué une convention au CICB. On attendait 500 personnes invitées. Et, on a vu un déferlement qui a fait que la salle ne pouvait plus nous contenir. Pour nous, c'était un grand succès. Il s'est trouvé que dans la même journée du 21 mai, des gens, qui n'ont rien à voir avec nous, sont allés agresser le président de la République. Chose que nous condamnons et que nous déplorons. Car, le président de la République ne peut pas être agressé. Il ne doit pas être agressé. Mais, ce qui est sûr, c'est que nous n'avons aucun rapport ni de près ni de loin avec ce qui s'est passé à Koulouba. Il faudra laisser le temps à la justice d'élucider cette situation. Car, le fait que ces deux événements se sont déroulés dans la même journée n'établit nécessairement pas un lien entre eux.  Je ne vois pas pourquoi on peut agresser le président de la République. Je ne me vois pas marcher ou faire marcher des gens pour aller agresser le président de la République à Koulouba. Vous avez été auditionné dans ce dossier. Vous reproche-t-on quelque chose ? L'enquête est en cours. Je ne souhaite pas développer cette enquête ici. Ce n'est pas mon rôle. Mais, je puis dire que j'ai été entendu mais pas sur des questions relatives à l'acte d'agression. D'ailleurs, lors de cette audition, les gens ont été très courtois. J'ai été bien traité. Je crois qu'on a voulu simplement savoir le rapprochement éventuel qui puisse exister entre les deux événements. Je ne suis donc mêlé en aucune façon à cet acte. Bien sûr, il y a des gens qui seraient heureux que nous ayons des rapports avec cet acte condamnable. Mais, Dieu est Souverain et je crois que la justice est en mesure de faire ses investigations pour découvrir la vérité. En tout cas, de notre côté, c'est le débat politique. Notre rôle n'est pas d'agresser. Nous ne savons même pas agresser. Ce jour-là même, comme par hasard, les conventionnaires ont demandé qu'on aille apporter un message au Premier ministre. Nous y sommes allés et le Premier ministre nous a reçus et a adressé des mots d'apaisement. Il n'y avait eu aucune violence. Tout s'est bien passé jusqu'à la fin.  Avez-vous rendu visite au président agressé? Avez-vous pu entrer en contact avec lui ? Dès que nous avons été informés de cette agression, notre parti, le RDS, a fait une déclaration pour déplorer et condamner cet acte. Déclaration que vous avez traitée dans votre journal. C'est la même chose avec la COPAM qui a aussi condamné cet acte. C'est tout ce que nous avons pu faire à ce stade. Le contexte ne permettant pas de voir le président Dioncounda Traoré. Je crois qu'il est très important d'être indigné  par rapport à cette situation. Agresser le président de la République, c'est inadmissible, c'est inacceptable, c'est inimaginable. Au fait, que peut-on reprocher au président Dioncounda Traoré ? Je crois qu'il ne s'agit pas du président de la transition ou du président par intérim. Il s'agit du système représenté par l'ancien pouvoir. Vous savez, ce qui s'est passé dans le Nord est une catastrophe. Nous en sommes, aujourd'hui, tous malades. C'est cela aussi qu'on reproche à l'ancien régime, à ceux qui ont laissé faire. La gestion qui a été faite de ce pays, c'est cela qui est en jeu. C'est cela qui nous fait mal. Ce n'est pas facile de voir ceux qui sont acteurs de ce drame se positionner pour perpétuer le système. C'est cela que nous dénonçons. Ce n'est que cela, en ce qui me concerne. C'est pourquoi nous disons qu'il faut que le peuple se réunisse pour dire que c'est M. Diarra ou M. Diallo qui pourra nous diriger pour la période de la transition. C'est cela notre problème. Et rien d'autre. On a l'impression que si on n'est pas d'accord avec ce qui nous est imposé, on est agresseur de M. Dioncounda Traoré. Non ! La politique, c'est la politique. Elle ne concerne pas la personne de Dioncounda Traoré. Nous voulons nous accrocher à un espoir du changement. Et, avec ce qu'on nous propose, il n'y a aucun espoir. Vous savez, les gens ont malheureusement fait de cette agression un fonds de commerce pour éliminer tous ceux qui peuvent  dire non et continuer le festival des brigands. Ainsi, la convention de la COPAM a décidé que la transition soit dirigée par le Capitaine Sanogo… La convention n'a jamais pris une telle décision. Elle n'a jamais  dit que le Capitaine Sanogo soit le président de la transition. Tout ce qui a été dit par rapport à un quelconque choix porté sur le capitaine, faisant de lui le président de la transition, est de l'intoxication. Les résolutions de la convention sont là. On peut vérifier. J'insiste là-dessus, jamais la convention n'a dit que telle ou telle personne doit être le président de la transition. J'ai participé à la convention ; les résolutions ont été adoptées. Après le discours de clôture prononcé par le président de la COPAM, je suis rentré. Ce qui s'est passé après, je l'ignore. Le lendemain, mercredi (NDLR, 23 mai) nous avons appris qu'il y a un meeting au stade Modibo Kéita pour investir le capitaine Sanogo et les initiateurs disaient que c'est la COPAM qui l'organisait. Nous avons sorti immédiatement un communiqué, signé du président de la COPAM, pour dire clairement que  ce n'est pas nous qui organisons une telle rencontre. Quels sont vos rapports avec le Capitaine Sanogo ? Je n'ai aucun rapport particulier avec le capitaine Amadou Haya Sanogo. Et je n'en avais jamais eu. Au tout début, je l'ai rencontré dans le cadre des activités de certains mouvements de libération du Nord. C'est pour dire que, les militaires eux-mêmes disent qu'ils ont fait le coup d'Etat pour pouvoir libérer le Nord. Nous leur avons dit alors que nous avons pris acte du coup d'Etat et nous voulons le changement. Vous savez, je suis un professeur et un homme politique. Il y a des choses dans lesquelles je ne rentre pas. Et je suis un musulman, il y a des choses dans lesquelles je ne rentre pas. Mes rapports avec les gens sont fondés sur des bases claires. Rien d'autre ! Quid de vos rapports avec le Premier ministre et son gouvernement ? Quand le Premier ministre Cheick Modibo Diarra a été nommé et son gouvernement formé, nous avons salué cela aussi bien à l'ADR qu'à la COPAM. Je ne connais pas de nuage dans nos rapports avec le gouvernement et le chef du gouvernement. Donc, nous saluons et soutenons le gouvernement depuis son investiture. Nous accompagnons cette équipe gouvernementale parce que nous pensons que dans ce gouvernement, il y a un espoir du changement. Etant opposé à l'intervention des forces étrangères, comment envisagez-vous la libération du Nord ? Le problème du Nord est complexe. Nous n'avons jamais dit que nous ne souhaitons pas l'aide extérieure pour libérer le Nord. Nous avons dit qu'il y a suffisamment d'hommes valides au Mali pour libérer notre pays. Nous disons que nous ne voulons pas qu'on débarque des troupes étrangères sans notre consentement. Mais, nous avons besoin d'appui en logistique ; nous avons besoin d'armement. Pour cela, nous comptons sur deux jambes : l'armée  nationale réarmée moralement et techniquement pour les combats puis des organisations de résistance pour accompagner l'armée dans sa mission. Vous savez, le débarquement d'armées étrangères dans un pays est une catastrophe qui peut être pire que la situation que nous vivons actuellement. Que faire avec des armées étrangères dans Bamako ? Des armées étrangères à Kidal en terrain inconnu? Que faire ? Comment faire ? Il faut donc aider l'armée malienne à libérer le pays. C'est une question d'honneur et de dignité. Il faut accompagner notre armée à libérer notre territoire. Votre mot de la fin ? Aujourd'hui, nous avons besoin de paix. Nous avons besoin de concentration pour régler nos problèmes. Et, pour cela, il nous faut une concertation nationale pour mieux définir la transition. Le salut de notre pays est dans cette concertation. Tant qu'elle n'a pas lieu, il y aura de forts mécontentements qui continueront de distraire les efforts de la nation pour la libération du territoire et pour le retour de la paix sociale. Interview réalisée par Bruno D SEGBEDJI

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