Trump va-t-il tuer la mondialisation?
Regarder à New York une série mexicaine sur son smartphone fabriqué en Chine en renversant de la bière belge sur son tee-shirt fabriqué au Vietnam, bientôt de l'histoire ancienne? Les coups de boutoir douaniers de Trump relancent le débat sur l'avenir de la mondialisation.
Beaucoup d'experts estiment malgré tout que l'ouverture et l'interdépendance des pays subsisteront demain, mais seront moins simples et plus coûteuses.
Pilier de la mondialisation au sortir de la Deuxième guerre mondiale, la baisse des droits de douane s'est imposée avec la création du Gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) en 1947, ancêtre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui rassemble aujourd'hui 166 membres et 98% du commerce mondial.
Les moyens d'action de ce "gendarme du commerce" sont très limités aujourd'hui et les droits de douane s'envolent sous l'impulsion de Trump.
"La vague de mondialisation qui a démarré il y a plus de trente ans touche à sa fin", affirmait l'économiste serbo-américain Branko Milanovic, spécialiste des inégalités, dans un article publié fin mars dans le magazine américain Jacobin.
"Si on la définit par la baisse massive des frontières économiques et l'unification des échanges de biens mais aussi de services, de données et de capitaux, ce cycle-là est vraiment terminé", renchérit Nicolas Baverez, avocat associé au cabinet français de droit des affaires August Debouzy.
- Blocs -
Ces dernières années, la pandémie de Covid a déjà mis au jour les extrêmes vulnérabilités des chaînes de production disséminées dans le monde.
La guerre en Ukraine a montré les risques associés à la dépendance énergétique à des amis peu fiables, comme la Russie.
Cela s'ajoute à des années de fragilisation et à la montée en puissance de "blocs" (américain, chinois, russe, européen pour les plus gros) qui s'affrontent en utilisant une large palette de munitions: droits de douane, limitation de transfert de technologies, sanctions financières, restrictions à l'immigration, subventions...
La "rupture très nette" aujourd'hui de l'Amérique de Donald Trump par rapport à son approche d'après-guerre est d'autant plus inquiétante qu'une éventuelle escalade douanière avec ses partenaires menacerait l'avenir des échanges mondiaux, dit à l'AFP Adam Slater, économiste au cabinet britannique Oxford Economics.
Le commerce de marchandises a crû de façon régulière ces dernières années et a atteint près de 24.000 milliards de dollars en 2023, selon l'OMC, dont 13% pour les importations américaines et 8,5% pour ses exportations.
- Pas compétitifs -
A l'image de l'après-Covid, la "relocalisation" plus proche et dans des pays dits "amis" est davantage susceptible de prévaloir que l'idée d'implanter au sein des pays développés des industries qui seront soit robotisées et créeront peu d'emplois, soit beaucoup plus coûteuses que dans les pays à bas coûts.
"Dans certains domaines, tels que les jouets, les textiles et les meubles, l'avantage en termes de coûts des économies émergentes est si important que même des droits de douane élevés ne rendent pas les États-Unis compétitifs", analyse Neil Shearing, économiste en chef pour la société Capital Economics basée à Londres.
De plus, "l'énorme coût" d'une localisation aux Etats-Unis et les "années de réflexion" que nécessitent les transferts de production rendent la stratégie de Trump hasardeuse. "Malgré la vantardise de Trump, seule une fraction de l'industrie manufacturière délocalisée à l'étranger est susceptible de revenir aux États-Unis", résume Neil Shearing.
Le Big Bang douanier de Trump ne présente pas de menace pour le reste des échanges, assure aussi l'ancien président de l'OMC Pascal Lamy à l'AFP: "Si les Etats-Unis se ferment, d'autres ouvertures interviendront."
Plusieurs projets d'accords commerciaux sont revenus en force récemment. Le Japon, la Corée du Sud et la Chine veulent accélérer leurs négociations en vue d'un accord de libre-échange et le président brésilien Lula vient d'appeler à un partenariat entre les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) et le Japon.
La Chine veut en tirer parti et remplacer les Etats-Unis comme moteur. Son Premier ministre Li Qiang a affirmé en mars vouloir adhérer "à la bonne direction de la mondialisation", malgré ses pratiques commerciales que certains de ses partenaires critiquent comme les subventions.
"La Chine dispose des bases économiques nécessaires pour mener la mondialisation", a aussi dit à l'AFP Li Daokui, professeur à l'école d'économie de Tsinghua à Pékin.
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