Bachar al-Assad a perdu la Syrie, et c’est une très mauvaise nouvelle pour la Russie et Israël
Le président renversé Assad a fui Damas vers Moscou dimanche, chassé par une offensive spectaculaire des rebelles islamistes, un tournant de l’histoire qui a mis fin à un demi-siècle de règne sans partage de son clan familial. Ce lundi matin, des Syriens en liesse affluent vers la place des Omeyyades, pour célébrer la chute de Bachar al-Assad dans le centre de Damas, après la levée du couvre-feu nocturne imposé par les rebelles. Mais qu’en est-il de l’avenir en Syrie? Les rebelles promettent des élections démocratiques, mais peut-on vraiment leur faire confiance? Et quels seront les impacts de la chute d’Assad sur la Russie et Israël? Brigitte Hermans, chercheuse à l’Université de Gand et chargée de cours à l’Université d’Anvers, nous éclaire dans les colonnes de Het Laatste Nieuws.
Comment les rebelles syriens ont-ils pu prendre Damas si rapidement?
Brigitte Herremans: “Plusieurs facteurs y ont contribué. D’abord, le soutien de la Russie et de l’Iran était beaucoup plus faible que par le passé et les rebelles disposaient également de canons antiaériens et d’hélicoptères. En Syrie, les bombardements ont toujours été l’arme de prédilection contre la résistance. Mais le moral de l’armée du régime - mal payée et en manque d’effectifs - était au plus bas. Les soldats se sont rendus presque partout sans combattre."
“Il y a un autre facteur qu'il ne faut pas sous-estimer: beaucoup de rebelles sont des jeunes hommes qui ont dû fuir leur ville ou leur région alors qu’ils étaient enfants. Outre la volonté politique de renverser ce régime barbare, il y avait aussi une énorme envie de rentrer chez soi.”
La chute d’Assad signifie-t-elle que de nombreux réfugiés dans les pays voisins et en Europe pourront bientôt rentrer en Syrie?
“Tout à fait. À la frontière avec la Jordanie, des milliers de personnes font déjà la queue, et je connais personnellement de nombreux Syriens en Europe qui ont toujours dit qu’ils rentreraient si le régime tombait. Mais cette situation pourrait aussi créer un nouveau flot de réfugiés. Dans le nord de la Syrie, où vivent de nombreux Kurdes, le SNA, un groupe rebelle ouvertement soutenu par la Turquie, est actif. Ils ont déjà attaqué un village kurde. Reste à voir comment les choses évolueront. De nombreuses interrogations subsistent aussi quant à l’avenir des minorités chrétiennes et alaouites dans le pays."
Le dictateur Bachar al-Assad a fui la Syrie, ce qui est une bonne chose. Mais qui va le remplacer à la tête du pays?
“Pour le moment, nous ne le savons pas. Les rebelles sont divisés en différentes factions, qui ne s’entendent pas forcément entre elles (les différents groupes ont accepté de s'unir pour faire tomber Assad, ndlr). Il y a déjà des tensions entre eux, et elles pourraient s’aggraver. Au sein des rebelles, il existe aussi des cellules dormantes de l’État islamique qui pourraient potentiellement redevenir actives.”
“La principale faction est Hayat Tahrir al-Sham (HTS), et si elle montre aujourd’hui un visage relativement amical et modéré, elle reste un mouvement islamiste, avec des racines liées à Al-Qaïda, même si le groupe s’en est séparé en 2016. Al-Jawlani, le chef de HTS, affirme être à l’écoute du peuple syrien, qui ne veut pas d’un autre régime sectaire, discriminatoire et répressif, mais a-t-il vraiment l’intention d’agir dans un but démocratique? Pour l’instant, son approche est très pragmatique. Dans son premier message officiel depuis la chute d’Assad, il a d’ailleurs utilisé à nouveau son nom légal, al Sha’ra, et non son nom djihadiste Al-Jawlani.”
Al-Jawlani a appelé à ne pas attaquer les bâtiments gouvernementaux et les fidèles du gouvernement, il promet même des élections. Selon le Premier ministre sortant Jalali, une première consultation téléphonique a déjà eu lieu à ce sujet. Que pouvons-nous attendre de ces élections?
“La Syrie a toujours eu un fonctionnement politique à part entière depuis plus de 50 ans. L’opposition politique était à peine organisée et localisée à l’étranger, il n’y a pas de tradition démocratique de négociation, de formation de coalitions et de compromis. Cela pourrait rendre les choses difficiles. Le fait que la population écoute l’appel d’Al-Jawlani et ne se livre pas au pillage et à la violence est toutefois un bon signe. Rappelons tout de même que le régime Assad a commis d’horribles massacres qui ont coûté la vie à des milliers de personnes. Le fait que les gens parviennent à étouffer leur sentiment de vengeance est un signal fort.”
Non seulement Assad a perdu, mais Poutine aussi?
“Certainement. La Russie dispose d’une base militaire navale en Syrie, Tartous, à partir de laquelle Poutine pouvait rapidement intervenir ou apporter son aide au Moyen-Orient. Il n’est pas certain qu’il puisse conserver ce point stratégique. En tout cas, Poutine perd un ‘laboratoire’. Ce que la Russie fait en Ukraine, elle a d’abord eu des années pour l’expérimenter en Syrie: bombarder des hôpitaux, par exemple."
La chute de Bachar al-Assad aura-t-elle des conséquences sur Israël?
“Sans aucun doute. Pour le moment, Israël occupe la zone tampon à la lisière de la partie du plateau du Golan. Bachar al-Assad avait peur d’Israël, c’est pourquoi il a toujours voulu éviter un conflit ouvert avec le pays. Mais les choses risquent de changer avec les nouveaux dirigeants de la Syrie. Ce n’est peut-être pas la priorité de Netanyahu pour le moment, mais la menace d'un nouveau conflit entre la Syrie et Israël est bien réelle. Israël a déjà envoyé des troupes supplémentaires dans la région."
Source: https://www.7sur7.be/
Quelle est votre réaction ?
Like
0
Je kiff pas
0
Je kiff
0
Drôle
0
Hmmm
0
Triste
0
Ouah
0