Mais la gratuité a un coût et des inconvénients. N’ayant ni infrastructure ni moyens financiers adaptés (son budget plafonne à 42 000 dollars), l’agence malienne a dû déléguer la gestion du .ml à l’étranger, à la société luxembourgeoise Freenom, spécialisée dans l’attribution et la gestion de noms de domaines gratuits.
Ce choix est très critiqué d’un bout à l’autre de la Toile africaine.
« Le .ml n’appartient plus au Mali, s’insurge ainsi Lala Andriamampianina, gestionnaire du .mg, l’extension malgache.
C’est le Luxembourg qui contrôle tout. L’enjeu du nom de domaine, c’est pour nous, au contraire, la souveraineté nationale. »
Ce point de vue est partagé par l’Afnic, l’Association française pour le nommage Internet en coopération, gérante du .fr, qui se bat pour soutenir les noms de domaines nationaux en Afrique.
« Dans un contexte où tout est .com, à l’américaine, nous défendons un modèle au service du local, du développement, contre les modèles privés du business, explique Pierre Bonis, son directeur général adjoint.
Au Mali, à cause de la délégation, il n’y pas de d’émergence de gestionnaires locaux, pas de hausse d’usage de l’Internet par les Maliens, pas d’appropriation par la population. » L’Agetic l’avoue : 94 % des noms de domaine en .ml sont enregistrés en dehors du Mali. Seuls 10 000 sont le fait d’internautes nationaux.
Méthodes « agressives » et gestion « opaque »
Pire : à cause de l’absence de régulation, les faux sites crapuleux, à l’espérance de vie de dix minutes, se multiplient. Le .ml est devenu le deuxième domaine national le plus touché par les pratiques de phishing ou hameçonnage (utilisée par des usurpateurs d'identité pour obtenir des renseignements personnels sur les internautes), selon le consortium
APWG.
Mais malgré ses problèmes, le modèle gratuit est en ascension. Depuis 2013, Gabon (.ga), la Centrafrique (.cf) et la Guinée Equatoriale (.gq) ont ainsi emboîté le pas au Mali, et délégué la gestion de leur domaine à Freenom.
L’entreprise luxembourgeoise n’a pas bonne presse. Ses méthodes sont décrites comme
« agressives », sa gestion
« opaque ». D’ailleurs, tout le .ml n’est pas gratuit. Freenom vend aussi des centaines d’adresses premiums, payantes celles-ci, et des espaces de publicités sur les sites périmés ou non-utilisés. Tout cela s’avère très rentable et permet à la société de faire pression sur les gestionnaires de domaines africains.
L’Afrique subsaharienne à la traîne
Ceux-ci, sous financés, mal équipés, soumis à des pressions politiques et à l’instabilité du cadre légal, sont encore à la peine. Selon les chiffres de l’Icaan, il n’y aurait que 1,2 million de noms de domaines à suffixe nationaux enregistrés sur le continent. La quasi-totalité se trouve en Afrique du Sud (950 000 .za), en Afrique du Nord (à peu près 100 000) ou au Nigeria (30 000 .ng). L’Afrique subsaharienne reste à la traîne. Le Sénégal ne dépasse pas les 5 000 enregistrements, le Niger tourne autour de 2 000.
Le choix du tout-gratuit est donc tentant et à long terme, l’expérience pourrait s’avérer porteuse.
« Cela permet une automatisation, une diffusion de la marque, et surtout un financement », rappelle Pierre Bonis. Selon l’Agetic, l’objectif final est d’ailleurs le rapatriement de la gestion du .ml au Mali.
« D’ici six ans », assure Moussa Dolo.