Le Mali, face à ses démons

5 Octobreober 2011 - 00:00
5 Octobreober 2011 - 00:00
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L’année électorale, qui s’annonce, risque d’être celle de tous les dangers pour notre pays. Chaque jour qui passe, les Maliens voient leurs idéaux de démocratie et de justice fondre. Comme beurre au soleil.

Trop de colère, trop de frustrations se sont cristallisées, au fil des ans, dans les cœurs. En dépit des ponts, des routes, des centres de santé et des écoles sans… «gens saignants ».

En Afrique et, particulièrement au Mali, nous avons trop longtemps cru au Père Noël, à la providence. Nous avons été trop longtemps, optimistes. Trop longtemps, nous avons joué à l’autruche. « L’esclavage est fini, nous sommes sauvés. Tout ira bien, désormais ! », croyaient nos ancêtres. Vint, ensuite, la colonisation. « La loi cadre de 1956 a supprimé les travaux forcés. Nous sommes libres ! », s’exclamaient nos grands parents. Pourtant, jamais ils n’ont autant travaillé pour le colon.

« Enfin, l’indépendance est là. Nous allons pourvoir développer nos pays, rendre à nos populations leur dignité, leur fierté ». Le résultat crève les yeux : jamais notre pays n’a été, aussi, dépendant de l’ex-puissance coloniale.

Puis, arriva la première République. Avec, à sa tête, le charismatique Modibo Keïta. « Nous voilà, enfin, souverains ! », rassuraient nos pères en bombant la poitrine. Mais la terreur, que la milice populaire faisait régner sur les populations a fini par sonner le glas du régime socialiste.

Silence, on rebelote !

Réunis au sein du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), un groupe d’officiers dirigés par le lieutenant Moussa Traoré, prend le pouvoir.

C’était, le 19 novembre 1968, à l’issue d’un coup d’Etat. Soulagés, les Maliens laissent exploser leur joie, en scandant « Liberté ! ». Dans les rues de la capitale, mais aussi, sur toute l’étendue du territoire national.

Mais la dictature, qui s’en est suivie, va durer 23 ans durant. Avec, à la clé, des arrestations arbitraires, des tortures et des déportations au tristement célèbre bagne de Taoudénit.

Du coup, le détournement des fonds publics est devenu un sport national. Et la corruption, d’un naturel insoupçonné. Les salaires accusaient des retards de quatre, voire six mois à la Fonction publique. Pour joindre les « deux bouts », les fonctionnaires usaient de tous les moyens, même illicites. Mais le vent de la démocratie, soufflant sur le continent africain, va ébranler le « régime des généraux ».

L’ouverture démocratique, réclamée par le « Mouvement démocratique » et les organisations de la société civile, a été réprimée dans le sang. Des centaines d’hommes, de femmes et de jeunes sacrifiés à coups de Kalachnikov, de chars de combat et de BRDM… tirant, à bout portant, sur les manifestants aux mains nues.

C’est ainsi qu’en mars 1991, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) décrète une grève illimitée sur toute l’étendue du territoire national. Du moins, jusqu’à la démission du Général Moussa Traoré.

Le pays est paralysé. Elèves et Etudiants vident les salles de classe et les amphithéâtres. Avant de rejoindre les rangs des manifestants. Les marches de protestation se multiplient. Avec ou sans barricades. Les forces armées et de sécurité sont déployées dans les rues, tirant à balles réelles sur les manifestants.

C’est dans ce contexte, que dans la nuit du 26 mars 1991, le général Moussa Traoré a été arrêté, au Palais de Koulouba, par un groupe d’officiers avec, à sa tête, un certain lieutenant –colonel Amadou Toumani Touré, plus connu sous initiales : A.T.T.

Comme il fallait s’y attendre, c’était la liesse populaire. Une fois de plus encore, les Maliens se remettent à chanter, à danser, contents qu’ils étaient de voir 23 ans de dictature militaire s’effondrer. Comme un château de cartes. Désormais, ils sont convaincus d’une chose : rien ne sera comme avant. « La corruption sera combattue. La délinquance financière, aussi. Tous les Maliens seront, désormais, égaux devant la loi », promettent les nouveaux maîtres du pays.

Jamais, la corruption n’a été aussi forte. Et les caisses publiques, saignées à blanc. En toute impunité.

Après une transition démocratique réussie, le Mali organise ses premières élections libres. Et démocratiques. C’était en 1992. a l’issue d sa victoire, pour le moins éclatante, Mr Alpha Oumar Konaré prend les rênes du pays. Mais six mois après, tous ceux qui ont chanté et dansé pour le changement ont fini par déchanter. Les martyrs de mars 1991 se retournement dans leur tombe.

L’espoir fout le camp !

Certes, le président Konaré a changé le visage de notre pays. Avec la construction de routes, de ponts, de centres de santé, d’écoles, de stades, de monuments… Mais, il a oublié l’essentiel : la construction de l’homme malien, avec une nouvelle mentalité, celle d’un patriote dévoué à son pays.

Conséquences : la corruption a repris du poil de la bête. Le pillage des finances publiques, aussi. Pour la première fois de son histoire, une vingtaine de cadres de l’administration publique sont montrés du doigt, comme étant des milliardaires.

La justice, elle, est devenue « indépendante de tout, sauf de l’argent sale », selon la formule –devenue célèbre – Me Fanta Sylla, avocate, ex –ministre de la justice. Plus grave, l’école malienne était – et est encore –au bord de la faillite. Acquise au prix du sang, la démocratie est clochardisée. L’espoir, suscité par la révolution de mars 1991, fait place au désespoir. Pour l’écrasante majorité de nos concitoyens, c’est un retour aux années GMT (Général Moussa Traoré).

A.T.T. e t le statu quo

Déçu, par la gestion faite des acquis de la révolution de mars 1991, le peuple malien décide de faire appel au tombeur du Général Moussa Traoré, A.T.T, pour briguer la magistrature suprême.

C’était en 2002. Très populaire au sein de la population, le putschiste de mars 1991, passé au grade de Général de Brigade, était perçu comme le seul homme capable de remettre le pays sur les rails. Surtout, après les gaffes politico –financières commises par l’Adema, le parti de Konaré.

Face à ses adversaires, le candidat A.T.T a été élu avec un score honorable. Ais à l’issue de son premier mandat, marqué par une « gestion consensuelle du pouvoir », les Maliens ont compris que le changement, tant espéré, n’est pas pour demain.

Nul ne met en doute l’amour d’A.T.T pour son pays, mais sa volonté de combattre la corruption et la délinquance financière semble avoir été prise en otage par son entourage. Qui a fait du trafic d’influence, un fonds de commerce. Mais surtout, une source inépuisable de richesses.

Sous le premier, comme sous le second mandat finissant d’A.T.T, des ponts, routes, écoles, centres de santé, logements sociaux, barrages, hôpitaux … ont été construits. Mais comme son prédécesseur, l’actuel l’essentiel : changer la mentalité du Malien, génétiquement, modifié par 23 ans de régime « Kaki », auxquels s’ajoutent 10 ans de « règne Adema ».

Comme sous les deux régimes, qui se sont succédé à la tête de notre pays, l’école malienne est devenue une usine de fabrique de « demi –lettrés ». Mais aussi, « intellectuels invertébrés ». Ils sont détenteurs d’une maîtrise, ou d’un doctorat. Mais, sont incapables de sortir une phrase de leur bouche. Sans secouer le cercueil de Victor « Idiot », pardon Victor Hugot.

Le pillage des finances publiques se poursuit de plus belle. Sans que nos autorités daignet y mettre le holà. Selon le dernier rapport d’enquête de Sidi Sosso Diarra, Vérificateur général sortant, plus de 385 milliards CFA ont été passés à la casserole.

S’y ajoute la misère ambiante. Les prix des denrées de première nécessité se sont engouffrés dans l’ascenseur. Dans certains quartiers de notre capitale, la misère est si forte, que certains chefs de famille sont obligés de quitter leur domicile, dès ‘aube, sur la pointe des pieds. Parce qu’il ne dispose pas des 500 ou 1000 CFA nécessaires pour faire bouillir la marmite.

Comme on le voit, le tableau n’est pas reluisant. Bien au contraire. Vingt ans après la révolution de mars 1991, qui a balayé le régime dictatorial du Général Moussa Traoré, les idéaux de démocratie, de justice restent un leurre, ou presque : corruption, népotisme, détournement impuni du dénier public, fraude électorale… ont, encore, pignon sur rue.

Le prochain président de la République, qui sera élu dans sept mois, pourra t –il redonner espoir aux Maliens ?

Une certitude : si rien n’est fait pour inverser cette tendance, les mois à venir risquent d’être chauds. Très « show ». Surtout, avec l’absence de l’opposition à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).

Oumar Babi

 

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