Concertations nationales : Pourquoi, à quelles conditions et pour quelles fins ?

28 November 2012 - 04:42
28 November 2012 - 04:42
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Initialement prévues pour les 26, 27 et 28 novembre derniers, les concertations nationales ont été reportées pour des raisons aussi diverses les unes que les autres. Retenons néanmoins, pour des logiques de cohérence méthodologique, dans la présente analyse trois raisons : l’inaptitude du gouvernement à faire participer toutes les forces vives de la nation, le pétillant débat sur la souveraineté de ces assises et les nombreuses divergences liées à des questions essentielles (le choix des participants, le consensus autour de la commission d’organisation, les insuffisances liées aux termes de référence et le manque de confiance qui subsistent entre les différents acteurs de la classe politique et au sein de la société civile depuis le coup d’état du 22 mars dernier).

Si la tenue de ces assises nationales n’est que partie remise, selon le constat général qui en résulte actuellement, il est important de mener une réflexion plus approfondie sur la nécessité de l’effectivité de ces concertations nationales au regard de la grave crise politique, institutionnelle et sécuritaire que connait le Mali et qui menace profondément ses fondements. Par ailleurs, et pour des mesures de précaution, il faut recadrer ces concertations nationales dans leur contexte afin d’éviter toute tentative de récupération et/ou d’instrumentalisation pour d’autres fins autres que celles de la nation malienne et du peuple malien. Autrement dit, oui pour des concertations nationales. Mais à quelles conditions et pour quelles fins ?

Pourquoi ces concertations nationales ?

Le Mali revient de très loin. Les dissensions internes nées du coup d’état du 22 mars auraient pu avoir des conséquences désastreuses sur les plans politique, institutionnel, social, culturel et économique, n’eurent été l’implication des structures sous régionales et internationales, la sagesse et le bon sens de certaines personnalités et les bénédictions du Seigneur tout puissant. Qu’à cela ne tienne, les divisions n’ont pas été levées et les haches de guerre pas encore enterrées. Pour aplanir toutes les divergences, obtenir un consensus autour de la gestion de la transition, instaurer une union sacrée pour la reconquête du Nord et réunir tous les fils du Mali autour d’une même tasse de thé et d’un idéal commun : l’unanimité avait été faite sur l’organisation d’assisses patriotiques. L’objectif étant bien entendu de permettre aux maliens, tout en faisant fi des clivages, de se parler, se comprendre et s’unir afin de pouvoir faire face aux dures épreuves qu’ils éprouvent. Il convient également de rappeler que la tenue de ces concertations nationales tire sa force, au delà de l’aspiration du peuple malien, dans des instruments juridiques dont l’accord-cadre du 06 avril 2012 et des dispositifs politiques dont la rencontre de Ouagadougou, le Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de la CEDEAO de Dakar et l’appel de la communauté internationale pour une stabilité politique au sud (seule gage pour la libération du Nord et la restauration de l’intégrité territoriale du Mali).

Aussi, la tenue des concertations nationales pourrait se justifier par la situation actuelle du Nord. Loin de tout jugement ostentatoire, force est de reconnaitre que le Mali et l’ensemble des maliens sont dépassés par la question du Nord. Faute de crédibilité de nos institutions, de frivoles divergences sociopolitiques et de manque de confiance entre les différents acteurs…la communauté internationale, la CEDEAO et d’autres pays voisins dont l’Algérie et le Burkina Faso, se sont saisis du dossier et ne prennent généralement que le soin de mettre le pays devant les faits accomplis et lui imposer une feuille de route. Comme conséquences de cet état de fait, quatre petites réalités qui semblent apparemment échapper au commun des mortels : 1°) Le MNLA et Ansardine sont entrain de sortir par la grande porte. 2°) l’intervention militaire au Nord n’est plus d’actualité, d’autres hypothèses politiques négociées ou l’utilisation du MNLA et Ansardine pour reconquérir le Nord étant en cours de manigances. 3°) l’Algérie et le Burkina Faso profitent de leur influence dans le dossier pour sauver leurs propres têtes au détriment des intérêts du Mali ou de la sous-région. 4°) L’hypothèse de l’organisation d’élections avant la reconquête du Nord, bien que dangereuse,  est plus que jamais d’actualité. Face à ces multiples préoccupations et l’impératif de donner l’opportunité pour une fois aux maliens de se prononcer eux-mêmes sur la crise actuelle et proposer des solutions concrètes, patriotiques et réalistes à la communauté internationale ; les concertations nationales apparaissent ainsi comme la condition sine qua non pour assurer la stabilité de la transition avec des organes intrinsèquement efficaces et  cohérents dans leurs relations fonctionnelles.

Au-delà de ces réalités, l’organisation de ces concertations nationales, comme facteur d’instauration d’une union sacrée entre maliens et maliennes, pourrait se justifier à travers l’histoire de certains pays comme la chine et le Vietnam, ayant connu à une époque de leurs existences des problèmes quasi-identiques à ceux que connait le Mali d’aujourd’hui. Face aux menaces de l’invasion japonaise au début des années 1930, les chinois en dépit de la rivalité farouche qui opposait les communistes de Mao et les nationalistes de Jiang Jieshi s’unissent pour combattre le Japon et sauver leur intégrité territoriale. Le Guomindang, parti nationaliste de Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek), et les communistes de Mao Zedong - qui tiennent le nord-ouest de la Chine - s’étaient alliés et avaient accepté de faire front commun en décembre 1936 pour livrer bataille contre les japonais. Au bout de près de dix années de sacrifices et  d’une guerre longue et éprouvante, les chinois arrivèrent avec l’anéantissement des villes et des populations d’Hiroshima (6 août) et de Nagasaki (9 août) par la force atomique américaine à gagner contre les Japonais qui capitulent le 19 août 1945. Cet exemple d’union chinois, possible avec la tenue de concertations nationales patriotiques et transparentes, peut et doit inspirer les maliens.

Ces concertations nationales : A quelles conditions et pour quelles fins ?

 L’organisation d’assises nationales efficaces et inclusives ne peut aller sans certaines conditions de forme et de fond. Le report de la date initialement prévue pour la circonstance, témoignant de la sagesse du gouvernement et de la remise en cause des autorités en charge de l’organisation quant à leurs erreurs, représente la première condition : celle de rassembler tous les maliens et maliennes autour de la question. Les autres conditions restent la crédibilité, la justice,  le patriotisme, la transparence, la patience, la confiance et le consensus. Autant tous les points de désaccord devront faire l’objet d’un consensus entre tous les acteurs concernés, de la même manière tous les ingrédients devraient être réunis pour éviter à ces assises d’être une tribune de plus ou de trop. La crédibilité des organisateurs et des participants dépendra de l’aptitude du gouvernement à faire preuve de justice et de discernement en ce qui concerne la répartition des responsabilités et le choix des hommes, lesquels devraient être tant que possible neutres et susceptibles de part leur leadership de rassembler les maliens. Aussi, la transparence et la confiance doivent être le seul leitmotiv dans l’organisation de ces concertations nationales. Des termes de référence au choix des participants, en passant par les questions liées au fonctionnement de la commission d’organisation qu’à l’organisation des débats et contributions : tout doit être clair comme de l’eau de roche afin de ne pas remettre en cause la légitimité et la crédibilité de ces assises. La confiance doit prévaloir, tandis que la patience, elle, doit être de mise aussi. Il faudrait éviter de tomber dans la précipitation et prendre le soin de gérer toutes les conditions de forme (organisation administrative et matérielle, révision des termes de référence, représentation de toutes les forces vives de la nation…) et celles de fonds (nature, contexte, principes et objectifs de ces assisses) avant de fixer une nouvelle date. Car ces assises ne devront pas avoir pour résultats d’approfondir les divisions et arracher au Mali le peu de crédibilité dont il jouit auprès de la communauté internationale. Elles doivent plutôt jeter les bases d’une union sacrée et d’une feuille de route avec comme objectifs la réunification du pays et l’organisation d’élections régulières, démocratiques, transparentes et crédibles dans des délais raisonnables. Ces concertations nationales, pour la sauvegarde de nos acquis démocratiques, ne doivent aucunement bouleverser ‘’l’ordre institutionnel’’ en cours et nous mettre en déphasage avec la communauté internationale.

 L’enjeu de ces concertations est qu’en voulant donner un caractère souverain aux résolutions qui en découleraient, l’on risque de déclencher un régime d’exception et battre en brèche tous les efforts déployés, souvent au prix d’acrobaties juridico-politiques, en faveur d’un certain équilibre institutionnel. Ce qui reviendrait à nous ramener à la case de départ, tout en jetant les bases d’une nouvelle révolution. Est-ce aujourd’hui ce qu’il faut pour le Mali ? Peut être que oui pour satisfaire les partisans de cette thèse. Mais en réalité, est-ce la solution qu’il faille maintenant pour libérer le Nord et aller à des élections libres et transparentes ? Certainement pas. Ces concertations devront donc tout simplement, un temps soit peu, réconcilier les maliens, les unir et dégager les grandes lignes de la transition, ses étapes majeures, le rôle et la place de tous les organes et acteurs et bien entendu les résultats attendus (à savoir libérer le Nord, restaurer l’intégrité territoriale et organiser des élections libres, crédibles et transparentes). Puisse Allah, dans sa miséricorde, sauver le Mali et réconcilier les maliens !

FOUSSEYNI MAIGA

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