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Blaise Compaoré[/caption]
A la fois adulé et contesté, le médiateur de la crise malienne pour la Cedeao, Blaise Compaoré est demeuré tout à fait serein depuis que ses pairs l’ont désigné comme tel au lendemain du coup d’Etat du 22 mars 2012. Le président burkinabé a pris du bon côté aussi bien les lauriers que les critiques. Nanti de sa longue expérience de médiateur, il a fait fi des coups portés à son endroit, préférant se concentrer sur son sujet et se consacrer à sa mission. Comme son manteau le recommande, le dialogue a été son cheval de bataille, mais le capitaine n’a jamais exclu l’option militaire si la souveraineté du Mali en dépendait. La preuve : l’Homme avait quasiment réussi un premier résultat probant dans les négociations entre les groupes armés maliens d’une part et entre ceux-ci et le gouvernement malien d’autre part. Et avec les derniers développements de la situation au Mali, le chef suprême des armées burkinabé vient de mettre 500 militaires à la disposition de la Misma. Mais, même après la guerre, voire pendant, on finira toujours par négocier. Sous la houlette de Blaise Compaoré, sans doute.
Un détail extrêmement important semble échapper à une certaine opinion dans cette crise malienne: c’est que c’est grâce à l’accord-cadre que l’ordre constitutionnel a été rétabli, marquant du coup le point de départ de tout le processus de la restauration de l’intégrité territoriale du Mali. : Si l’on sait que c’est la médiation burkinabé qui a abouti à la signature de cet accord, on rend à Blaise tout le mérite du niveau actuel de la crise malienne.
C’est le 27 mars 2012 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, qu’au terme des travaux d’un sommet extraordinaire dela Communautééconomique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) consacré à la crise sociopolitique au Mali que le président Blaise Compaoré, a été nommé par ses pairs ouest-africains, Médiateur dans cette crise politique née du coup d’Etat du 22 mars 2012. Ce choix des chefs d’Etat dela Cedeaon’était pas fortuit, Blaise ayant déjà fait ses preuves en matière de médiation dans les crises au Togo, en Côte d’Ivoire, en Guinée etc.
Avec le sens du dialogue, de la patience, de l’écoute, de la tolérance et de l’ouverture, Blaise Compaoré a pu ramener les uns et les autres à la table de négociation et parvenir à un consensus pour la paix et la quiétude des peuples de ces pays en difficultés.
Le médiateur a accepté ce grand honneur et pris l’engagement, avec humilité, d’aller jusqu’au bout de cette mission. Car, non seulement le peuple malien n’avait pas besoin de cette aventure politique, mais aussi aussitôt après le putsch, l’Afrique de l’ouest s’est entièrement mobilisée à ses côtés pour la gestion perspicace de ce dossier avec le soutien de la communauté internationale. Dès sa désignation, Blaise Compaoré a entamé les contacts avec les protagonistes de la crise, soit directement soit par le biais de son représentant, le ministre burkinabè des Affaires étrangères et dela Coopérationrégionale, Djibril Bassolé.
Ainsi, le médiateur a reçu le 31 mars 2012, une délégation du Comité national de Redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (Cnrdre), conduite par le Colonel Moussa Sinko Coulibaly. A cette occasion, le Cnrdre a réaffirmé sa volonté de ne pas confisquer le pouvoir.
Le médiateur a poursuivi les concertations avec les forces vives de la nation malienne. Il a reçu le mardi 3 avril 2012 une délégation des leaders religieux composée des représentants du Haut conseil islamique, de l’Eglise protestante, et de l’archevêque de Bamako. Il s’est agi pour le médiateur et les autorités religieuses de trouver des voies et moyens pour rétablir rapidement l’ordre constitutionnel au Mali.
A l’issue de leur entrevue avec le président du Faso, le président Hci, Imam Mahmoud Dicko, a confié à la presse qu’ils sont venus faire part au médiateur des difficultés que rencontre le Mali, notamment les actions des mouvements rebelles dans le nord Mali et l’embargo dela Cedeao. Lemédiateur a donné des conseils aux représentants religieux maliens pour qu’ils approfondissent le dialogue avec la junte militaire d’une part, et les forces vives d’autre part, en vue de trouver des formules adéquates pour le rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel et la levée des sanctions dela Cedeao.
Tout le monde se rappelle encore de ces multiples aller-retour entre Ouaga et Bamako, ainsi que dans certaines capitales de la sous région du représentant du médiateur, le ministre Bassolé et de son homologue ivoirien de l’intégration africaine, Adama Bictogo. Tout cela a abouti, à la signature, le 6 avril 2012 de l’accord-cadre entre la junte militaire et la Cedeao, sous la médiation du président burkinabé. Cet accord
a permis de remettre effectivement en place les organes prévus parla Constitution malienne.
En effet, l’accord-cadre prévoit, entre autres points, quela Courconstitutionnelle constate la vacance dela Présidenceet investisse pour l’intérim du pouvoir le président de l’Assemblée nationale. Un Premier ministre et un gouvernement de transition ainsi qu’une future loi d’amnistie pour les putschistes figurent dans le dit accord. Le Premier ministre de transition, chef du gouvernement, a pour mission de conduire la transition, de gérer la crise dans le nord du Mali et d’organiser des élections libres, transparentes et démocratiques.
Ainsi, tour à tour, l’ancien président Amadou Toumani Touré démissionne de son poste de président dela Républiquedu Mali (8 avril) ;la Courconstitutionnelle constate la vacance du pouvoir et désigne comme président par intérim le Pr. Dioncounda Traoré (10 avril); celui-ci prête serment en tant que tel (12 avril) ; Dr Cheick Modibo Diarra est nommé Premier ministre du Mali (17 avril) ; il forme le premier gouvernement dela Transition(24 avril).
Avant même d’occuper ses nouvelles fonctions de président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré est allé à Ouaga, le 7 avril 2012, s’imprégner de l’expérience du président du Faso dans la conduite des affaires de l’Etat.
Ce retour de l’ordre constitutionnel au Mali a été salué par tous et venait sauver le peuple malien d’un embargo qui allait le plonger au tréfonds de la déprime. «
Merci Blaise », entendait-on dans les rues de Bamako.
Cette première grande victoire du médiateur Compaoré, que certains semblent minimiser, était pourtant le préalable à tout le reste du processus. Et Blaise en était convaincu en se rendant au
Sommet extraordinaire dela Cedeao, le 26 avril 2012 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Là, Blaise Compaoré a présenté, à ses pairs, un rapport dans lequel il dévoile sa «feuille de route» dans la suite de la médiation.
Dans ce rapport, le médiateur entend engager un «dialogue inclusif» avec toutes les parties impliquées dans cette crise. C’est dans ce sens qu’il a fait savoir à ses pairs qu’il compte «entreprendre immédiatement après la mise en place du Gouvernement de transition des pourparlers avec les mouvements rebelles dans le but d’obtenir des parties belligérantes, l’arrêt des hostilités». Le but de ces pourparlers est d’aboutir selon Blaise Compaoré au retrait des rebelles de toutes les zones occupées ; à la restauration de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali ; à la gestion de la crise humanitaire à travers la satisfaction des besoins élémentaires des populations résidentes, le respect des droits humains, le retour des personnes déplacées et des réfugiés.
Cependant, le président Compaoré s’est dit convaincu que de nombreuses contraintes doivent être nécessairement surmontées en vue de l’atteinte de ces objectifs. Entre autres, la multiplicité et la diversité des mouvements armés présents dans le nord du Mali ; la situation d’urgence humanitaire dans le nord du Mali et sur les sites de regroupement des refugiées dans les pays d’accueil.
Dans sa mission, le médiateur dela Cedeaoa reçu l’appui de l’Union africaine et de plusieurs autres entités. Il a discuté avec le président français de la situation malienne.
Il a engagé les négociations avec les mouvements Mnla et Ançardine, ainsi qu’avec le gouvernement malien. Le 4 décembre 2012, le président du Faso a reçu ensemble, Ouagadougou, le Mnla, Ançardine et une délégation officielle du gouvernement malien, en vue d’échanger sur les perspectives de sortie de crise au Nord du Mali. Pas plus tard que le 26 décembre, le médiateur a reçu le Premier ministre, Diango Cissoko. A sa sortie d’audience, le chef du gouvernement malien a indiqué que «le Médiateur dela Cedeaodans la crise malienne continue son travail» et qu’après la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies, «il va redoubler d’efforts sur la base de l’analyse qui sera faite de cette résolution par les autorités maliennes pour accélérer la récupération du Nord du Mali et l’organisation d’élections crédibles». Les négociations étaient sur le point de porter progressivement fruits quand arriva le 10 avril et l’attaque de Konna par les terroristes islamistes. Le lendemain, 11 avril,la Francefrappait, déclenchant l’intervention militaire internationale. Et là, le médiateur Blaise Compaoré, qui n’a jamais exclu l’option militaire, joue sa partition. Cinq cent (500) militaires burkinabé sont actuellement sur le front au Mali. D’ailleurs, ce sont eux qui sont déployés pour sécuriser le pont historique et très stratégique de Markala. Une certitude : après la guerre, ce sera toujours la négociation. Et, on reverra Blaise.
Sékou Tamboura