Tieman Coulibaly: «Après la reconquête, il faudra stabiliser le Mali»

27 January 2013 - 12:58
27 January 2013 - 12:59
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Alors que la reconquête de Gao est bien avancée, le président malien Dioncounda Traoré est parti à Addis-Abeba en Éthiopie où il a retrouvé son ministre des Affaires étrangères, Tieman Coulibaly, pour assister au vingtième sommet de l’Union africaine –ouvert ce matin– et à la conférence des donateurs pour le Mali, qui est prévue après-demain mardi 29 janvier. Le chef de la diplomatie malienne est notre invité ce dimanche. Il répond aux questions de l’un de nos envoyés spéciaux à Addis-Abeba, Christophe Boisbouvier.
 
Vous attendiez-vous à un événement militaire aussi rapide à Gao ? Oui. Il ne vous a pas échappé que l’assistance de l’armée française est arrivée avec du matériel, des soldats bien entraînés et cela a galvanisé les troupes maliennes. En plus de cela, la mobilisation rapide des soldats de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), les Tchadiens et tous les autres, ont quand même créé une motivation supplémentaire. Est-ce qu’un reflux si rapide des jihadistes ne cache pas quelque chose. N'est-ce pas trop beau pour être vrai ? Ce n’est pas fini. Gao a été reprise après Konna, Diabaly et Hombori. Mais ce n’est pas fini ! Justement, avec ces opérations de reconquête aussi rapides, la mobilisation de plusieurs milliers d’hommes dans la Misma est-elle toujours d’actualité ? C’est bien sûr toujours d’actualité. La récupération des grandes villes ne veut pas dire que la mission est terminée. Il y a ces phases opérationnelles qui consistent à nettoyer les grandes villes. Après, il y a la destruction totale du dispositif terroriste et enfin, la phase de stabilisation et la phase de reconstruction. Il faut sécuriser. Quelle est la somme qu’il faut réunir, à votre avis, lors de la conférence des donateurs mardi prochain à Addis-Abeba ? Nous avons les besoins militaires pour la Misma, les besoins militaires pour le Mali. Il y a aussi l’énorme défi humanitaire consécutif à la crise : il faut le retour des hôpitaux, il faut rouvrir les écoles, il faut refaire les infrastructures électriques et téléphoniques qui ont été détruites. Tout cela demande beaucoup de moyens. Ramtane Lamamra, le commissaire Paix et Sécurité de l’Union africaine, parle de 600 à 700 millions de dollars tout compris... C’est une évaluation qui, effectivement, peut se rapprocher de nos anticipations. Depuis un an, le Mali a connu beaucoup de tensions à caractère ethnique avec cette reconquête rapide du Nord. Craignez-vous des représailles contre les populations arabo-berbères ? Que Dieu nous en garde. Le clivage ethnique a été exacerbé et a servi de faux-nez à une entreprise criminelle et terroriste. J’ai de très proches collaborateurs qui sont Arabes, qui sont Touaregs avec qui je n’ai pas de problème ethnique. Mon épouse vient du Nord, a des origines touarègues. Je n’ai pas de problèmes avec ma belle-famille. Quand on parle de problèmes ethniques, les Maliens sont surpris car ceux qui ont pris les armes sont non seulement une minorité parmi la minorité mais en plus de cela, ils ont utilisé ces prétextes ethniques pour lancer un projet criminel. Vous verrez, une fois que ces régions vont être stabilisées, vous serez surpris de la manifestation de la réalité de la nation malienne dans toutes ses composantes. C’est un défi que les Maliens vont relever. Car depuis quelques jours, nous voyons bien les actes d’intoxication, de manipulation pour essayer de se légitimer sur un autre plan : dans la mesure où les options militaires ne leur sont plus favorables et dans la mesure où certains ont perdu tout crédit, leurs liens indéfectibles avec le grand terrorisme international ayant été établi, c’est très facile après de trouver des arguments par-ci, par-là pour que la communauté internationale déplace le curseur. Cela dit, nous sommes des humains et nous en appelons à la responsabilité de chacun afin qu’aucun acte de stigmatisation, aucun acte de vengeance ne prenne le pas sur le règlement militaire et judiciaire qui va suivre les problèmes qui ont été les nôtres ces derniers temps. Les Maliens sont responsables. Chacun d’entre nous a des amis dans toutes les composantes ethniques du Mali, a de la famille par mariage ou par voisinage, appelez cela comme vous voudrez. Mais il est inconcevable aujourd’hui pour un Malien de considérer son pays comme en proie à des questions ethniques. C’est inconcevable. Retrouvons-nous dans quelques jours quand nous allons stabiliser les grandes villes Gao, Kidal et Tombouctou, et vous allez voir de quelle manière la nation malienne va se manifester à la face du monde. Je vous en donne ma parole. Par Christophe Boisbouvier / RFI

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