Antonio Tajani est le président du Parlement européen. De passage à Paris, il parle, dans un français parfait, du défi de la vague migratoire en Europe et d'un nécessaire investissement dans le développement africain.
Le Point Afrique : Vous avez dit qu'il fallait réformer les accords de Dublin III, selon lesquels le pays d'entrée des migrants en Europe est celui qui traite leur demande d'asile. Ils font peser la charge de la migration sur deux pays, l'Italie et la Grèce, et renvoient les migrants dans deux économies fragiles alors qu'ils veulent travailler. Pourquoi n'arrive-t-on pas à réformer ? Qu'est-ce qui bloque ?Antonio Tajani : Au départ, on n'a pas compris l'importance de la question de l'immigration. On pensait que c'était un problème italien ou grec. Après, l'Allemagne a compris qu'il fallait s'engager et j'espère qu'au Conseil, après le vote du Parlement sur Dublin, on pourra changer les règles. On doit travailler à la redistribution des réfugiés, avoir la même règle partout pour la demande d'asile. Aujourd'hui, la liste des pays ou des régions (d'origine) qui permettent d'être réfugié est différente dans tous les pays (européens). Donc il y a un marché des réfugiés. J'ai vu dans la ville de Gorizia, à la frontière avec la Slovénie, des immigrés qui n'avaient pas eu le statut de réfugié en Autriche et en Allemagne et qui essayaient de l'avoir en Italie. Si on est réfugié, on est réfugié en Europe. Si quelqu'un n'a pas le droit d'être réfugié en Europe, il doit rentrer chez lui, s'il ne fuit pas la guerre, la persécution politique ou religieuse.
Le problème du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, République tchèque et Pologne) qui refusait d'accueillir des réfugiés a-t-il été résolu ?
Un accord au Conseil a établi qu'avant fin septembre il fallait redistribuer les réfugiés qui sont en Italie et en Grèce. Plusieurs pays n'ont rien fait. Le Parlement européen a poussé la Commission à réagir. Et, après le vote du Parlement, elle a ouvert une procédure d'infraction contre trois pays : Pologne, Hongrie et République tchèque. Ils ont saisi la Cour de justice, ils ont perdu. Maintenant, la Commission doit aller de l'avant.
Avec des sanctions économiques ?
La fin de la procédure, c'est une sanction décidée par la Cour de justice. Ils devront payer. C'est la règle. Ça vaut aussi dans le domaine économique, dans tous les domaines. Pour chaque jour de retard, ils paient, jusqu'à ce qu'ils appliquent la politique communautaire.
Combien ?
Quelques millions d'euros. Il y a une autre possibilité : les États membres ont dit que, pour ceux qui n'étaient pas solidaires, on allait couper les fonds structurels. J'espère qu'on ne va pas avoir à l'appliquer et que ces pays vont comprendre que la solidarité doit être mutuelle. Nos pays se sont engagés à aider ceux qui étaient sous le régime de l'Union soviétique à devenir libres, grâce à l'Union européenne. Aujourd'hui encore, ils reçoivent le plus d'argent de Bruxelles. Maintenant, les autres pays ont besoin d'être aidés. Quand ils disent que la relocalisation va changer leur réalité ethnique, sociale, ce n'est pas vrai. On ne va pas envoyer des millions de personnes, mais quelques milliers, avec des règles flexibles. Ils peuvent choisir s'ils veulent des Syriens, des francophones, des anglophones, et il y a des gens de toutes les religions dans les camps de réfugiés. Donc ce n'est qu'une excuse. La solidarité, c'est l'une des valeurs de l'Europe, et pas seulement quand il y a un tremblement de terre. On doit s'engager pour une politique de l'immigration. Il faut faire, comme avec la Turquie, un accord avec la Libye. Mais c'est plus compliqué parce que ce n'est pas encore un État uni. Il faut des accords avec tout le monde, pas seulement avec le gouvernement reconnu par l'ONU. Après, il faut contrôler que les camps de réfugiés ne soient pas des camps de concentration, avec des hôpitaux, des médecins, il faut soigner les enfants.
Allez-vous envoyer du personnel européen en Libye ?
Si les Libyens sont d'accord. Et dans les camps au sud de la Libye, au Tchad, au Niger. On peut aussi demander aux Africains d'envoyer l'armée pour les défendre.
On observe une baisse drastique du nombre de migrants arrivés en Italie, et on s'en félicite. La réalité, c'est que le fonds fiduciaire de l'UE pour l'Afrique a adopté en juillet un programme doté de 46 millions d'euros pour la Libye pour former des gardes-côtes libyens qui ramènent ces migrants dans des centres de détention où ils sont torturés, réduits en esclavage...
Je dis qu'il faut résoudre ce problème…
La milice Dabbashi de Sabratha dit même avoir reçu des services secrets italiens entre 5 et 10 millions d'euros pour empêcher les canots de partir…
Ce matin, il y a encore eu des morts en mer, c'est mieux de rester en Libye que de partir dans la Méditerranée. Et on oublie ceux qui meurent dans le désert – j'ai parlé avec le président de la région d'Agadez. Il faut informer ceux qui arrivent au Niger, leur dire : « Vous allez en Europe, vous n'allez pas devenir médecin ou travailler dans une usine. » Les femmes seront utilisées comme esclaves sexuelles, des hommes seront esclaves à la campagne pour 2 ou 3 euros par jour, en travaillant 14 heures, c'est inacceptable.
Ces gens-là se foutent de la gueule des Africains. Savent-ils seulement ce que cela coûte en vie humaine aux Africains de rester en Libye? Mieux vaudra qu'ils arrivent dans les pays de destinations et que le tri se fasse sur place, sinon, rester en Libye veut dire les soumettre à la torture et à des abus de toutes sortes. Tous ceux qui arrivent en Libye regrettent d'être partis de chez eux, tellement ils subissent la torture. Et si c'est dans ces conditions qu'on voudra les installer dans ce pays maudit, mieux vaut les laisser se débrouiller. Et dire qu'il faut 40 milliards. Voyez ce que les Chinois à eux seuls ont débloqué pour la Guinée, 20 milliards sur dix ans, et eux les Occidentaux veulent mettre 40 milliards pour l'Afrique toute entière. Quelle foutaise! Après avoir dépouillé l'Afrique de ses richesses qu'ils continuent d'ailleurs à sucer, ils veulent les empêcher d'arriver chez eux. Pourquoi ne pas transformer les matières premières d'Afrique sur place avant de les transporter chez eux. Cela créera certainement de l'emploi et obligera les Africains à demeurer sur place pour travailler. Ils ne viennent pas en Occident pour sa beauté, c'est pour le mieux vivre et la sécurité. Ce sont les blancs qui créent les conditions du départ des Africains vers leurs pays. Ce sont eux qui déstabilisent le Continent avec la monnaie, la dette, en créant des djihadistes pour distiller la peur et se rendre indispensables pour voler à leur secours. DonC, qu'ils ne viennent pas leur dicter une conduite à tenir en matière d'immigration. Ce sont eux qui sont à l'origine des bateaux et autres navires sauvages qui transportent ces gens-là. Ce sont aussi eux qui soutiennent les régimes de dictature et de terreur. Les fonds détournés par les pouvoirs Africains sont logés chez eux dans leurs banques. Ils ferment les yeux tant que cet argent est investi chez eux. Ils ne dénoncent les dérives financières que lorsque celles-ci ne font pas leurs affaires. Quelle leçon veulent-ils alors donner aux Africains. Si encore ils récupéraient ces sommes détournées pour le réinvestir dans les pays au profit des jeunes chercheurs d'emploi en créant avec cet argent des entreprises et autres structures génératrices d'emploi. Voilà une très belle manière de restituer aux Africains, les jeunes en particulier ce que leur volent leurs dirigeants. Cela aussi est une façon de réduire le flux migratoire.
Projet de relecture de la Charte des Partis Politiques : Votre point de vue ?
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Il faut dissoudre les partis politiques
20 %
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40 %
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Vote total : 6
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50 %
Limiter le nombre de nouveaux partis politiques à 3
16.7 %
Elaborer une nouvelle charte des partis politiques
33.3 %
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