La nouvelle sur l'occupation d'une position aussi stratégique que le camp de Tessalit a été accueillie avec désolation et une consternation générale tant par le malien lambda que par les autorités administratives et les milieux militaires. Et il y a vraiment de quoi s'alarmer car la perte de contrôle des forces armées maliennes sur cette partie du territoire national, au profit des combattants du mouvement sécessionniste MNLA, fait peser un double péril sur la souveraineté nationale. En plus de compromettre l'intégrité du territoire, il réduit considérablement les marges de manœuvre quant à la tenue des consultations électorales dans le maximum de localités.

Comme nous le mentionnions dans notre dernière parution (Aurore N°1616 du lundi 12 Mars 2012), le siège du camp de Tessalit a finalement atteint son épilogue avec sa conquête par la branche militaire du Mouvement National de Libération de l'Azawad. Ce qui porte à trois - au lieu de deux comme nous l'écrivions -, les localités occupées par le MNLA.
La caserne de Tessalit est tombée aux mains des assaillants après une longue résistance et de nombreuses tentatives échouées d'établir une connexion régulière avec ses occupants en manque de tout et auxquels un ravitaillement correct n'a jamais pu parvenir dans les proportions souhaités, en dépit de la coriacité du trio Elhaj Gamou - Didier Dakouo - Ould Meydou. Le dernier espoir de desserrer l'étau s'est également écroulé comme un château de cartes. Il s'agit de l'annonce, à la veille même de la prise du camp, des exploits d'un autre Colonel-major, en la personne de Gaston Domango, qui avait selon certaines sources réussi là où ses prédécesseurs avaient laissé des plumes, en contournant les obstacles et embuscades par un accès qui mène au camp depuis Tombouctou. Vrai ou faux ? La question est pratiquement sans objet car, quoi qu'il en soit, le succès du Colonel-major n'aura été que de nul impact sur les objectifs, l'évacuation du camp étant intervenue sans combat ou presque, un jour seulement après sa pénétration.
Aussi douloureux qu'il puisse paraître cet épisode était déjà pressenti des signes avant-coureurs que sont entre autres les replis successifs dont le dernier devait préparer, disait-on, un énième assaut à partir de Gao, une base que les colonnes et les chefs militaires en charge des opérations regagnaient d'ailleurs constamment au moindre obstacle.
Diverses explications ont été données à l'alternance tragique de succès et d'insuccès, à savoir : l'impréparation psychologique des éléments de l'armée nationale, le minage de la zone, le surarmement de l'adversaire, etc. Mais la bataille de Tessalit, qui a mobilisé une convergence massive des forces militaires de la rébellion, aura pour l'heure surtout été du gâchis, au regard d'une disproportion entre le résultat final et les ressources et énergies déployées pour le résultat qu'on sait.
A en croire des sources très crédibles, le camp de Tessalit n'a connu qu'une occupation de très courte durée. Les assaillants l'ont en effet aussitôt abandonné à leur tour après avoir dévalisé du contenu qu'a pu laisser l'armée malienne. Cela n'atténue en rien, toutefois, les répercussions fâcheuses imminentes du scénario sur les positions de l'armée nationale ainsi que sur le moral de ses composantes.
Les premières conséquences se manifestent déjà sous la forme d'accentuation de la méfiance dans les rangs des forces loyalistes. En effet, les conditions de la perte de la forteresse - et par ricochet de la position stratégique qu'elle représente - est l'objet de toute batterie d'interrogations sur la loyauté de certains chefs d'opération, et pour cause. Beaucoup d'observateurs s'étonnent du fait que les habitants du camp, affamés et assoiffés par leur siège, n'aient jamais pu être correctement ravitaillés par les colonnes successives qui sont parfois arrivés jusqu'à proximité de leur destination sans l'atteindre. De là à jeter le doute sur certains responsables de la mission, il n'y a qu'un petit pas que d'aucuns n'hésitent pas à franchir, allant jusqu'à remettre en question la sincérité des opérations.
C'est dans une telle disposition morale que l'armée dans les régions du Nord-Mali s'apprête à affronter des assauts de plus en plus imminents des combattants. Car, l'abandon de Tessalit - plusieurs spécialistes de la zone et des questions militaires en conviennent - est un boulevard ouvert à d'éventuelles attaques contre Kidal, Tombouctou et Gao. D'autres soutiennent, en revanche, que la rébellion ne peut nullement progresser au-delà de la forteresse parce qu'elle ne bénéficie plus des avantages du relief montagneux.
L'autre conséquence est que la nouvelle évolution de la situation accentue forcément la menace sur la sécurité au septentrion et relance du même coup le débat et les interrogations sur la poursuite du processus électoral dans les conditions d'atteinte à l'intégrité du territoire voire d'impossibilité de l'administrer dans sa totalité. On est donc loin de sortir de l'ornière.
A. Keïta