"L'heure est grave : l'intégrité du territoire national et la cohésion sociale sont aujourd'hui menacées. L'honnêteté intellectuelle et la rigueur qu'exige la gravité de la situation actuelle du Mali imposent de lire cette rébellion à la lumière du système mondial et de ses crises". C'est le constat fait par plusieurs intellectuels maliens, parmi lesquels les anciens ministres Aminata Dramane Traoré, Adama Samassékou, qui ont animé, le jeudi 9 février à l'Hôtel Djenné, une conférence de presse par rapport au dossier Nord-Mali.
[caption id="attachment_47461" align="alignleft" width="310" caption="Aminata Dramane Traoré"]

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De façon spontanée, plusieurs intellectuels, hommes et femmes de culture du Mali viennent de se réunir pour réfléchir à la situation de crise née des récentes attaques des bandits armés contre certaines localités du septentrion malien. Ils étaient face à la presse pour rendre publique une "déclaration d'intellectuels, hommes et femmes de culture sur la rébellion au Nord du Mali".
Parmi les signataires de ce document d'analyse d'une crise qui n'a que trop duré et qui semble avoir des tireurs de ficelles, on compte des anciens ministres, d'anciens députés, des écrivains, universitaires et des cadres de tous les domaines socioprofessionnels. Ce sont l'essayiste Aminata Dramane Traoré, le linguiste Adama Samassékou, les socio-économistes Abdoulaye Niang et Hamidou Magassa, l'anthropologue Filifing Sako, l'artiste-peintre Ismaïl Diabaté, les historiens Jean-Bosco Konaré et Mohamedoun Dicko, les universitaires et professeurs Kaourou Doucouré, Abderhaman Sotbar, Cheick Pléah, l'écrivain Doulbi Fakoly, les gestionnaires Abdoul Madjidou Hassan, Mme Touré Alzouharata et Boubacar Coulibaly, le juriste et administrateur civil Ousmane Traoré, l'ingénieur Mohamed Coulibaly, l'imam Mahamadou H. Diallo, le designer Mme Awa Meité Van Til, la communicatrice Mariam Kanakomo… Mme Sissoko Safi SY.
Dans cette déclaration, ces personnes ressources indiquent que le Nord-Mali se caractérise par l'extrême complexité des enjeux géopolitiques, économiques et stratégiques, sans la compréhension desquels aucune paix durable n'y est envisageable. Le septentrion malien, poursuivent les conférenciers, a souvent été le théâtre de soulèvements d'une partie de la population qui revendique son autonomie par la voie des armes. Tous les régimes ont été confrontés à cette situation.
"La mauvaise gestion, le clientélisme et la corruption que l'on relève dans la gestion des affaires publiques, exacerbent les frustrations et le sentiment d'exclusion à l'échelle du pays sans pour autant justifier la violence armée dans les autres régions", a martelé le porte-parole, l'ancien ministre Adama Samassékou. La manière de gérer la libération des otages occidentaux a, selon les conférenciers, "conforté AQMI dans la création au Mali d'un sanctuaire en liaison avec le terrorisme international".
Pour eux, nous sommes dans un processus programmé de désintégration de l'Etat et de cristallisation des identités ethniques et régionales. "N'y a-t-il pas une volonté d'affaiblir des Etats de la CEDEAO et l'organisation elle-même ? N'allons-nous pas vers une résurgence du vieux projet de l'organisation des Etats riverains du Sahara (OERS) ? Après le découpage du Soudan, nous sommes en droit de nous interroger sur l'intention des pays de l'OTAN de procéder à une nouvelle balkanisation de l'Afrique. Ne sommes-nous pas de fait en présence d'un processus de dépossession des ressources agricoles et minières africaines, qui constituent aujourd'hui une partie importante des réserves mondiales pour la relance de la croissance économique globale ?", questionnent les conférenciers.
Ils assurent que l'intégrité du territoire, l'unité nationale et la cohésion sociale du Mali sont des acquis sacrés ; le septentrion malien n'est pas une planète à part, mais une région du Mali qui est un seul peuple indivisible.
Ce conflit est imposé au Mali et, à en croire l'ancienne ministre Mme Aminata Dramane Traoré, doit être analysé avec une nouvelle compréhension de la situation du Mali et de la bande sahélienne qui intègre les enjeux sous-régionaux et mondiaux. D'autres intervenants d'ajouter que "les élections de 2012 sont une occasion historique de renouveler la réflexion sur un projet de société adapté à nos réalités, davantage fondé sur la culture de l'être et des relations humaines à même de garantir la prospérité, la paix, la stabilité et la sécurité pour tous ". Les conférenciers condamnent le recours à la violence armée pour exprimer quelque revendication et soutiennent les forces armées et de sécurité dans leur mission sacrée de défense du territoire national.
Bruno D SEGBEDJI