Exploitation d’or au Mali : Au profit de qui ?

21 Aoûtust 2012 - 15:23
21 Aoûtust 2012 - 15:23
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Depuis 1990, l’extraction de l’or est devenue une activité économique majeure au Mali, et la deuxième source de revenus d’exportation après le coton. Cette rapide croissance a suscité de nombreux espoirs de développement, espoirs encore renforcés par le boom du cours de l’or sur les marchés mondiaux depuis quelques années. Mais, comme retombées, nos populations n’en voient rien. Activité économique à fort potentiel, l’exploitation de l’or pourrait en effet contribuer à l’amélioration de la situation des droits de l’homme en créant de l’emploi dans le secteur minier et en ayant un effet d’entrainement sur d’autres secteurs de l’économie. Elle devrait également améliorer les ressources de l’Etat et donc sa capacité à assumer les dépenses utiles pour la société, à savoir l’éducation, la santé, les infrastructures et autres. Les entreprises minières mettent sur le devant de la scène leurs actions volontaires en faveur des communautés locales menées au titre de leur responsabilité sociale et environnementale alors même que ces programmes n’ont que des résultats limités et parfois pervers. Dans le même temps, elles obtiennent des exemptions fiscales et sociales leur permettant de tirer le meilleur profit de leur activité et vont parfois jusqu’à commettre des violations des règlements existantes lorsque celles-ci leur paraissent trop contraignantes. Par ailleurs, le fonctionnement même de secteur aurifère malien a peu d’effet d’entrainement sur le reste de l’économie. Ce secteur est en effet largement coupé des autres secteurs économiques et complètement tourné vers l’exportation. Ainsi, selon le  dernier rapport de la Fédération Internationale des Ligues de Droits de l’Homme sur l’exploitation de l’or au Mali, le pays a, aux cotés de la nomenclature du coton, développé une nomenclature de l’or,  autre ressource primaire destinée à être transformée et commercialisée à l’étranger. Selon ce même rapport, ce qui est en cause ici, c’est le modèle de développement économique mis en œuvre par les gouvernements successifs, sous l’influence des institutions financières internationales. En effet, cette situation tient à la position de faiblesse et à l’ambivalence de l’Etat qui a pourtant la responsabilité première des orientations données au développement national et de la réalisation des droits économiques et sociaux de la population. Alors même qu’il est doté de peu de moyens et qu’il connait une corruption endémique, l’Etat malien voit son rôle affaibli par le fonctionnement du secteur minier dans lequel il est passé du rôle de propriétaire à celui de régulateur et percepteur d’une part et d’actionnaire d’autre part. Le code minier de 1991, qui a marqué le tournant libéral dans la politique minière du Mal, réserve à l’Etat une part minoritaire du capital des sociétés d’exploitation minière. Toujours selon le rapport de la FIDH, cette situation de l’Etat est d’autant plus dommageable qu’il existe de forts conflits entre ses différentes fonctions. Ainsi, tandis que l’Etat-percepteur a intérêt à maximiser l’intérêt fiscal, donc les taxes imposées aux entreprises, l’Etat- actionnaire à intérêt à maximiser ses profits après impôts, donc a voir minorer la fiscalité. Le rapport dénonce la réglementation sur la double représentation de l’Etat dans le secteur, réglementation faite sous la férule des bailleurs de fonds internationaux. Cette dualité a été officiellement dénoncée dans un rapport de la Direction générale de la Géologie et des Mines en 2004. Dans des cas de conflits du travail ou de pollution environnementale, l’Etat malien a ainsi pris le parti des entreprises ou ignoré les violations dont elles étaient responsables. Selon ce même rapport, vingt ans après le boom de l’exploitation aurifère au Mali, la population attend encore de pouvoir réellement bénéficier de ses retombées, que ce soit dans l’industrialisation , en ce qui concerne le marché de l’emploi, l’état des finances publiques ou le niveau des dépenses sociales. Le Mali a offert aux investisseurs internationaux un environnement propice à leur enrichissement mais qui ne garantit ni le respect des droits fondamentaux, ni l’amélioration à long terme des conditions de vie de la population.                                                                                                                                 Dieudonné Tembely 

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