D’abord ce constat pour le moins embarrassant: la CEDEAO n’a jamais octroyé un quelconque statut d’ancien chef d’Etat ou de président de la République au Capitaine Sanogo. Et le saviez-vous ? Les chefs d’Etat de la sous-région affirmaient, pour la deuxième fois à la suite du 41ème sommet extraordinaire de la CEDEAO, la non-reconnaissance de ce privilège au putschiste de Kati. Question alors : d’où vient donc la fameuse décision? Du Mali, bien entendu !
Rappel de quelques faits

Du 22 mars 2012, date du coup d’Etat à nos, la CEDEAO a tenu plusieurs rencontres sur la question Malienne, dont cinq Sessions Extraordinaires dans le cadre de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ; deux sessions du Conseil de Médiation et de Sécurité assorties de missions de médiation au Mali. En marge de ces assises, les chefs d’Etat major se sont également réunis et ont effectué des missions à Bamako. Deux autres réunions dites de soutien aux efforts de la CEDEAO se sont également tenues à Abidjan et à Lomé au début du mois de juin dernier.
Nulle part, à la suite de ces différentes assises, n’a été, ne serait-ce qu’évoquer, la question du statut d’ancien chef d’Etat ou de président de la République. Au contraire, à la faveur d’une réunion de concertation sur la situation au Mali le 6 juin 2012 à Lomé en marge du sommet de l’UEMOA, les chefs d’Etat ont clairement affirmé «la non-reconnaissance du CNRDRE par la CEDEAO et de tout statut de chef d’Etat ou d’ancien chef d’Etat au capitaine Amadou Sanogo» (Point 10 de la résolution). Une décision qui sera entérinée par l’Union Africaine (U.A) et par l’ONU laquelle exigera d’ailleurs la dissolution pure et simple du CNRDRE.
On connait la suite ! En réaction à cette décision irrévocable et sans appel, le Gouvernement Cheick Modibo Diarra, par la voix de son ministre Porte-parole, parlera de « l’absorption du CNRDRE » par un autre comité dédié à la reforme de l’armée. Une initiative mort-née, soit-dit en passant, puisque le 41ème sommet de la CEDEAO n’entend, non plus, reconnaître cet autre «machin». T En somme, la CEDEAO semble restée cohérente dans sa démarche.
La décision très controversée des médiateurs
La seule déclaration «officielle» qui évoque «le statut d’ancien chef d’Etat ou de président de la République » fait suite à une énième visite des médiateurs au Mali les 19 et 20 mai 2012. La délégation était composée de Yipènè Djibril
Bassolé, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale du Burkina Faso, Adama Bictogo, ministre de l’Intégration africaine de la République de Côte d’Ivoire, Dr Muhammed Nurudeen, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères de la République fédérale du Nigeria. A pris part à ladite rencontre, M. Django Cissoko Médiateur de la République du Mali.
Le communiqué final souligne que la délégation a successivement rencontré le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, le président du CNRDRE, le capitaine Amadou Haya Sanogo, et le Premier ministre, le Dr. Cheick Modibo Diarra. Et de poursuivre : « le président du CNRDRE bénéficiera des avantages accordés aux anciens présidents de la République par la loi. Un accent particulier a été mis sur le caractère inchangé de pouvoirs respectifs du président de la République par intérim et du Premier ministre pendant la période de transition tels que définis par la constitution et l’accord-cadre du 6 avril 2012».
Le même communiqué rappelait au préalable que le sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, à Abidjan le 26 avril 2012 a décidé de « l’extension du mandat des organes de la transition, notamment le président de la République par intérim, le Premier ministre et le gouvernement sur une période de 12 mois ; la mise en œuvre de la feuille de route de la transition. Toutes les parties prenantes se sont réjouies de cet accord (…).»
Là se trouve l’arnaque ! En clair, le communiqué issu de cette rencontre entre les médiateurs et les protagonistes de la crise institutionnelle malienne, les 19 et 20 mai 2012, met la question du «statut d’ancien président de la République » à la suite de la résolution issue du sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, à Abidjan le 26 avril 2012.
L’arnaque consiste à faire admettre que la décision relative au «statut d’ancien chef d’Etat» émane véritablement de la CEDEAO. Encore, s’agit-il d’une décision ?
En la matière, le médiateur n’est pas mandaté pour approuver ou prendre une décision, mais plutôt pour concilier les positions et rendre compte à qui de droit. La décision revient aux Chefs d’Etat. Le principe n’est pas propre à la seule CEDEAO.
Souvenez-vous : le compatriote feu Alioune Blondin Bèye était Médiateur de l’ONU dans la crise Angolaise. Les décisions revenaient à cette instance à travers ses résolutions… En somme, une «décision» de médiateurs ne saurait avoir force de loi et n’engage, par contre, que son seul auteur. D’ailleurs, les textes de la CEDEAO sont clairs en la matière : C’est la conférence des chefs d’Etat qui décide à travers ses résolutions. Là, il ne s’agit pas d’une résolution, mais plutôt d’un communiqué inspiré d’un compte rendu de réunion entre médiateurs et acteurs d’une crise.
Les médiateurs se seraient donc floués ? Bien entendu, selon toute évidence ! La question est plutôt de savoir s’il s’agit d’une faute délibérée ou d’une simple erreur d’appréciation.
Ces médiateurs, en tout cas, côté burkinabé, ne sauraient jouir d’un éventuel privilège du doute pour être bien rodés dans les rouages de l’arbitrage et des limites du médiateur dans une crise (le ministre Djibril Bassolé n’est pas un profane sur ce terrain). Une faute délibérée alors ?
Le limogeage de M. Adama Bictogo, ministre de l’Intégration africaine de la République de Côte d’Ivoire (lui aussi médiateur) par M. Alassane Ouattara et non moins président en exercice de la CEDEAO est de nature à accentuer le doute affreux qui assaille en ce moment les esprits. Et Pour justifier l’infortune de M. Bictogo, une certaine presse ivoirienne a évoqué des accointances autour d’hypothétiques mines d’or au Mali. Une affaire qui aurait fâché le président en exercice de la CEDEAO. Aussi, le fait pour la conférence des chefs d’Etat d’adjoindre le président nigérian Jonathan Goodluck à M Blaise Compaoré dans la médiation laisse planer cette autre incertitude sur la sincérité de l’équipe de M. Djibril Bassolé.
B.S. Diarra