Au soir du 21 mars dernier, les bamakois se sont vite terrés chez eux, tombant dans une véritable torpeur dont la source est partie du camp « Soundjata de Kati ». Au réveil, le matin du 22 mars, c’est dans la confusion totale qu’ils apprenaient que le Mali enregistrait un énième coup d’état africain, et le régime démocratique d’ATT parti en fumée. Cent jours auront coulé depuis le 22 mars dernier.
Le reste on le saura très vite : le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE) prenait les rennes du pays sous la férule d’un jeune capitaine, Amadou Haya Sanogo et son équipe.
Les Maliens étaient donc dans un véritable dilemme : défendre une démocratie en faillite ou se laisser emporter par les sirènes d’une révolution venue de Kati mais aux lendemains incertains. On verra dans ce dilemme la naissance de deux grands courants divergents : la COPAM humant la brise révolutionnaire du CNRDRE et le FDR qui condamne le coup d’état et demande le retour à l’ordre constitutionnel.
Le temps des grandes interrogations…
Le temps des grandes interrogations des jeunes militaires, le temps des tiraillements entre pro et anti junte, voilà que débarquait la CEDEAO, paravent de la communauté internationale, au détour d’un sommet extraordinaire à Abidjan le 27 mars avec ses multiples commandements : retour à l’ordre constitutionnel et retour sans conditions des militaires dans les casernes.
L’arme fatale de l’organisation sous régionale est très vite brandie : l’embargo économique.
Le capitaine lâche du lest
A Kati, cette menace est considérée par une extrême importance. Le capitaine et ses hommes, conscients de la situation économique difficile et de l’état psychologique de leurs concitoyens fragilisé par la rébellion au Nord du pays, lâchent du leste. Pour eux, si tant est qu’ils sont venus pour alléger les souffrances des maliens en mettant fin au régime corrompu d’ATT, ils ne sauront être la source de nouveaux problèmes à ces mêmes maliens. Par un accord-cadre le 6 avril, ils acceptent le retour à l’ordre constitutionnel en laissant le président de l’assemblée national accéder à Koulouba. Pour y arriver, il a fallu la démission d’ATT et de son gouvernement.
Retour à l’ordre constitutionnel
Pour la grande majorité de maliens, ce retour à l’ordre constitutionnel n’est qu’un écran de fumée à la restauration du régime d’ATT. Car au cours de plusieurs manifestations, l’on a vu des messages hostiles à la CEDEAO et au président de l’assemblée nationale. Ce qui prouvait l’appréciation du geste patriotique du 22 mars dernier qui a évité au mali une guerre civile.
Dioncounda Traoré au regard de l'accord cadre, avait quarante jours pour organiser des élections présidentielles. Dans l’impossibilité de cela, avec les 2/3 du pays occupés, le Mali se devait de rentrer dans une transition dont l’accord dessinait déjà l’esprit.
L’accord cadre divisera les maliens
Justement c’est l’esprit et la lettre de cet accord cadre (auquel le diable doit avoir participé à l’élaboration) qui divisera les Maliens de la base au sommet.
La fin des quarante jours a été chaotique, aboutissant à un accord qui fait du capitaine Sanogo, un ancien chef d’Etat et à l’agression du président intérimaire jusque dans ses bureaux. Le mépris à l’égard du desiderata du peule venait d’être mis sur la place publique pour dire à l’opinion internationale qu’elle ne saurait imposer au peuple malien un Président mal aimé. La transition est ainsi hypothéquée dans son montage institutionnel ouvrant au Premier Ministre, un véritable boulevard, même avec un attelage gouvernemental de plus en plus contesté.
On notera que depuis le 21 mai, date de l’agression du président intérimaire, le capitaine Amadou Haya Sanogo s’est muré dans un véritable silence médiatique, contentant les partisans du retour à l’ordre constitutionnel et laissant une bonne part des populations perplexe. Au passage, il faut noter que le CNRDRE, est appelé à être dissout dans une nouvelle structure qui prendra en charge la reforme des armées. « N’est-ce pas là une bonne foi des putschistes ! », explique un pro.
Au nord, les groupes rebelles ont le vent en poupe
Su le front du nord, les groupes rebelles ont eu le vent en poupe, s’installant et se confortant pendant que la crise institutionnelle à Bamako battait son plein.
Après 100 jours, il faut dire les Maliens partisans de la thèse de la faillite de l’état et qui ont soutenu le CNRDRE, ont vu la révolution du 22 mars partir en feu de paille, étouffée par ceux qui pensent que leur ordre établi est voué à la mort.
Le CNRDRE isolé
Avec la pression internationale, les forces de l’ancien régime qui s’abritent derrière la démocratie, le CNRDRE s’est vu vite enfoncé dans l’isolement et ses idéaux d’un mali meilleur partir en fumée. Reste à savoir avec la résolution du Nord et la lutte contre tous les maux qui ont tiré le Mali vers les abysses, quoi prioriser ?
En tout cas, le nord reste la priorité mais entre temps, les fossoyeurs de la république auront remis leurs pions en place pour continuer à sévir et à prendre le peuple en otage. Pour combien de temps cela va pouvoir durer ?
C’est là toute la question, car, l’avenir du Mali que constitue sa jeunesse s’est réveillée et demeure une sentinelle pour barrer la route aux prédateurs de notre Nation pourtant qui leur a tout donné.
Cents jours de résistance, de bravoure et de combats…
C’est dans ce climat que le CNRDRE et ses alliés fêtent les cents jours de résistance, de bravoure et de combats face à un complot savamment ourdi contre le Mali, pays souverain et dont le peuple a placé son espoir en une junte qui venait de lui donner un espoir au soir du 22 mars dernier.
Bokari Dicko