De ses bureaux silencieux de l'hôtel Salam, Dioncounda Traoré, le président malien par intérim, vit désormais le triste quotidien d'un roi sans couronne. Dur métier, en vérité, dans un pays habitué à voir ses chefs d'Etat monopoliser le pouvoir.
[caption id="attachment_59998" align="alignleft" width="610" caption="Dioncounda Traoré"]

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Que Dioncounda ait vu ses camarades politiques (Tiéman Coulibaly et Me Kassoum Tapo) ramassés dans sa propre salle d'attente puis embastillés sans pouvoir réagir montre bien qu'il ne détient aucun pouvoir alors qu'en tant que chef d'Etat intérim, il reçoit de la Constitution prétendûment restaurée l'essentiel des pouvoirs d'un Chef d'Etat normal, au moins jusqu'à la fin de l'intérim.
A peine se relevait-il de cette humiliation que Dioncounda se voit contraint de signer un décret portant nomination d'un Premier ministre sur lequel il n'exerce dans les faits aucune autorité. S'il pensait se rattraper en plaçant quelques proches dans le gouvernement, c'est raté: ni l'Adema, ni aucun de ses alliés ne figure dans une équipe gouvernementale prévue pour être d'union nationale mais qui, à l'arrivée, se coupe totalement des "forces vives" dépêchées à Ouagadougou faire du tohu-bohu.
La situation de Dioncounda se complique car la junte ne cache pas qu'à la fin des 40 jours d'intérim, il devra faire ses valises et retourner à ses vieilles amours: la présidence d'un parlement qu'on a, auparavant, pris soin de dépouiller de toute prérogative et de transformer en studio d'enregistrement: l'auguste assemblée ne pourra ni démettre le Premier ministre doté de "pleins pouvoirs", ni bloquer les projets de loi émanant du gouvernement, ni même contrôler un gouvernement qui n'a nulle intention de lui présenter la moindre déclaration de politique générale.
De la présidence de la République intérimaire à la présidence du parlement (intérimaire ?), le pauvre élu de Nara en est réduit à gérer des coquilles institutionnelles vides. S'il n'y prend garde, c'est une Adema tout aussi vide qu'il finira par gérer. En effet, ses camarades de parti et ses alliés politiques commencent ouvertement à l'accuser de "trahison" pour n'avoir pas démissionné de son poste actuel suite aux multiples humiliations à lui infligées par la junte militaire.
Dioncounda, à force de patience et de festins de couleuvres, gagnera-t-il la dernière bataille: se faire élire président de la République à la suite de la transition ? Voilà la question à cent mille dollars ! Pour y arriver, le candidat de l'Adema va devoir donner des gages aux militaires du CNRDRE, lesquels, pour l'instant, ne veulent pas voir en peinture un seul ex-allié d'ATT (Dioncounda en est un!) et caressent le riant projet, une fois rentrés dans les casernes, de gérer le pays par procuration, au nom du bien-être permanent de l'armée. C'est pourquoi le seul gage que pourrait offrir Dioncounda à l'armée est l'engagement (secret ?) de poursuivre la gestion des coquilles vides. Tant et si bien que même élu, il ne décidera strictement de rien. Sinon, peut être, de faire tinter les coquilles...
Tiékorobani